Ce soir on ne va pas vous dire pourquoi la sainte Vierge était à la crèche ; ça on n’a pas besoin de vous l’apprendre, vous le savez fort bien.
Si la sainte Vierge est venue à la crèche, c’est tout simplement pour que son enfant naisse dans une crèche, c’est-à-dire une étable, c’est normal : un agneau naît dans une étable et son enfant à elle, c’est l’Agneau de Dieu —comme on dira plus tard à la messe en montrant le pain consacré— Son enfant est du pain et elle est la boulangère. Son enfant est l’Agneau qui porte le péché du monde. Et elle, elle porte son enfant pour le salut du monde. Elle est la boulangère qui pétrit dans sa chair le pain charnel qu’est son enfant
Et le Verbe s’est fait chair
C’est pour cela, vous le savez bien, c’est pour cela que la sainte Vierge était à la crèche.
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Et on ne va pas vous dire non plus pourquoi saint Joseph était à la crèche ; ça vous le savez bien aussi mais c’est plus difficile à expliquer parce que Jésus n’a qu’un Père : ce Père qui donne la becquée aux oiseaux du ciel et qui tisse une parure royale pour les fleurs des champs. Ce Père à qui il faudra toute l’éternité pour se consoler lorsque les hommes conduiront son Agneau à l’abattoir pour le tuer. Ce Père qui nous console de toute éternité lorsque son Unique livre aux hommes le Pain qui nourrit toute chair.
Car l’Agneau porte le péché du monde. Et le Père porte son enfant pour le salut du monde. Et c’est pour cela que saint Joseph était à la crèche parce que, quand on voit saint Joseph, on se dit que Jésus a un Père de toute éternité
Notre Père lui qui est aux cieux ;
C’était la seule chose qu’il avait à faire, saint Joseph, c’était de faire penser à Dieu !
C’est d’ailleurs la plus belle chose qu’un homme puisse faire et c’est pour cela, vous le savez bien, c’est pour cela que saint Joseph était à la crèche.
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Joseph et Marie étaient à la crèche, vous le savez bien et on n’a pas besoin de vous dire pourquoi.
Ils étaient là tout simplement parce que Dieu leur avait demandé d’être là ; d’être là et de livrer là-bas son Pain qui nourrit toute chair ; d’être là et de porter là-bas son Agneau qui porte le péché du monde ; d’être là et de faire naître là-bas son unique enfant.
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Maintenant, n’allez pas demander pourquoi l’enfant Jésus était à la crèche ; ne demandez pas pourquoi l’enfant unique de Dieu est né dans une crèche, c’est-à-dire dans une étable, ni pourquoi Dieu est l’Agneau que l’on conduira à l’abattoir pour qu’il porte le péché du monde.
N’allez pas demander pourquoi Dieu a voulu être le Pain qui est le fruit de la terre et du travail des hommes et qui est le fruit des entrailles de Marie, parce que cela on ne l’explique pas en deux trois minutes.
On n’explique pas ça comme ça, il faut bien du temps pour le comprendre ; il faut bien toute la durée d’une messe pour le comprendre ; il faut presque toute une vie pour le comprendre et peut-être même aussi toute une éternité !
Alors, vous pensez bien, on ne va pas vous expliquer comme ça pourquoi Jésus était à la crèche !
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Non, ce qu’on voulait vous dire ce soir est beaucoup moins sérieux —mais vous ne le savez peut-être pas— on voulait vous dire pourquoi l’âne et le bœuf étaient là aussi, à la crèche.
Parce qu’enfin, à première vue, ça paraît étonnant : pour regarder l’Enfant de Dieu il y avait un bœuf, et pour entendre l’Unique de Dieu il y avait un âne.
Or, c’est triste à dire mais c’est comme ça : quand on dit de quelqu’un qu’il a le regard bovin ou qu’il mériterait des oreilles d’âne, ce n’est pas très flatteur pour ce quelqu’un-là, ça veut dire qu’il n’est pas très malin, qu’il n’a pas beaucoup d’instruction, pas beaucoup de finesse, comme on dit.
Et pourtant, pour voir et entendre l’Agneau de Dieu il y avait le regard d’un bœuf et les oreilles d’un âne !
Un gros regard pas très malin et de grandes oreilles pas très malignes non plus.
Mais si l’âne et le bœuf étaient à la crèche, ces deux pauvres bêtes sans finesse, c’est tout simplement parce que Dieu leur avait demandé d’être là. Et Dieu ne leur a pas demandé d’être un peu plus malins, ni d’avoir un peu plus d’instruction avant d’aller à la crèche ; il n’a pas pris sa baguette magique pour leur donner un peu plus de finesse avant d’aller se présenter à la crèche car Dieu n’a pas de baguette magique Dieu n’a qu’un miracle et c’est l’Enfant qui vient de naître.
Dieu n’a pas de baguette magique ni pour les oreilles de l’âne, ni pour les yeux du bœuf. Dieu n’a qu’un miracle et c’est l’Enfant qui est semence et gerbe et farine et pain :
Prenez et mangez, ceci est mon corps.
Alors, quand vous irez à la messe de minuit pour fêter Noël, pour voir et pour entendre l’Enfant de Dieu dans sa crèche, Agneau de Dieu qui porte le péché du monde et Pain qui nourrit toute chair, et que vous ne comprendrez quand même pas tout ce qui se passe, rappelez-vous le regard du bœuf et les oreilles de l’âne et dites-vous qu’il faut bien toute une éternité pour comprendre !
Si l’âne et le bœuf étaient à la crèche, c’est pour que nous ne soyons pas trop tristes de notre peu d’instruction et de notre peu de finesse quand nous sommes nous-mêmes devant la crèche. Car Dieu ne nous demande pas de faire les malins il nous demande seulement d’ouvrir de grands yeux et d’ouvrir de grandes oreilles. Et alors nous verrons et nous entendrons à la crèche : saint Joseph qui fait penser au Père de toute éternité, la sainte Vierge, la boulangère du pain de Dieu avec l’enfant qui est unique au monde.
Oui, nous les verrons et nous les entendrons, l’Agneau de Dieu avec son Berger et sa Bergère, et, pour nous saluer sans nous distraire, l’âne agitera les oreilles et le bœuf nous fera un clin d’œil .
Xavier Dijon
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