Et maintenant une histoire ! Posts

Auteur : Falaise, Claude | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Fred jeta un coup d’œil à la pen­du­lette du tableau de bord. La grande aiguille allait pas­ser sur la petite, à la verticale.

— Minuit, dans un ins­tant ! Je ne suis pas en avance !

Le jeune homme appuya sur l’ac­cé­lé­ra­teur, la voi­ture fit un bond en avant, cepen­dant que les aiguilles dan­saient fol­le­ment sur le cadran du compteur.

140 kilomètres/​heure, 142… 145…

Il n’y eut pas de 146… Seule­ment une embar­dée ter­rible, un choc, une masse inerte sur la route.

Les freins avaient à peine fini de cris­ser que, de nou­veau, Fred écra­sait du pied la pédale qui à nou­veau le pro­pul­sait à toute vitesse.

Un ins­tant, il avait sen­ti avec force qu’il lui fal­lait s’ar­rê­ter ; que rien d’autre n’é­tait à faire ; que celui qu’il avait ren­ver­sé — un vieillard autant qu’il avait pu en juger — n’é­tait peut-être que bles­sé ; qu’un secours immé­diat pour­rait en ce cas le sauver…

Mais Fred, en même temps que la sil­houette du pas­sant é, avait main­te­nant devant l’es­prit cet autre drame qui l’at­ten­dait, lui :

— J’ai eu tort d’emprunter la voi­ture de grand-mère sans son auto­ri­sa­tion. Elle devait renou­ve­ler son assu­rance ces jours-ci. L’a­vait-elle fait ? Ou bien, ne sor­tait-elle plus parce qu’elle n’é­tait pas en règle ? S’il en est ain­si, je suis perdu.

140… 145… 146…

Fred n’i­ra jamais assez vite, pense-t-il, pour fuir cette ter­rible res­pon­sa­bi­li­té qu’il laisse der­rière lui, sur la Natio­nale où gît un homme bles­sé, ensanglanté.

149 kilomètres/​heure !…

Non,

Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 19 minutes

vint au monde le 22 juillet 1647, dans le vil­lage de Vérosvres, au hameau de Lhau­te­cour, dio­cèse d’Au­tun. Elle fut bap­ti­sée en l’é­glise de Vérosvres dont son oncle Antoine Ala­coque, qui fut son par­rain, était alors curé. Son père, Claude Ala­coque, « notaire royal », y habi­tait une pro­prié­té com­po­sée d’une ferme et d’un grand pavillon. C’est là que se pas­sa l’en­fance de Mar­gue­rite, à part, vers l’âge de quatre ans, un long séjour chez sa mar­raine, au châ­teau de Corcheval.

Sa mar­raine la lais­sait libre de jouer, de cou­rir dans les allées et les char­mil­les du parc. Mais, sur la ter­rasse du châ­teau, s’é­le­vait une cha­pelle, et Mar­gue­rite se fai­sait une joie d’y entrer à chaque ins­tant. Les per­sonnes char­gées de sa sur­veillance ne la trou­vaient-elles ni dans les jar­dins, ni dans la mai­son ? Elles n’a­vaient qu’à pous­ser la porte de la cha­pelle. Elles aper­ce­vaient l’en­fant, à genoux sur les dalles, ses petites mains jointes, immo­bile, les yeux fixés sur le taber­nacle où elle savait que Jésus habi­tait dans la sainte Hos­tie. Mar­gue­rite quit­tait la cha­pelle à regret quand on l’ap­pe­lait, car elle serait res­tée là des heures entières sans s’ennuyer.

Coloriage Sainte Marguerite-Marie Alacoque
De loin, assise sur une roche…

A Lhau­te­court, près de la mai­son de ses parents, se creuse un petit val­lon abri­té de chênes. Mar­gue­rite s’y plai­sait plus que par­tout ailleurs. De loin, assise sur une roche, elle aper­ce­vait l’é­glise du vil­lage, et même, à tra­vers les vitraux, le reflet de la lampe du sanc­tuaire. Elle pen­sait à Jésus et lui disait qu’elle l’aimait.
C’est chose extra­or­di­naire qu’une petite fille prie si long­temps ! D’ha­bi­tude, les enfants, après un « Notre Père » ou un « Je vous salue » se sauvent bien vite jouer. Mais le bon Dieu atti­rait le cœur de Mar­gue­rite comme avec un aimant et la vou­lait tout à lui, parce qu’il lui réser­vait une grande .

Aus­si, toute petite, lui fit-il com­prendre la lai­deur du péché et l’hor­reur de la moindre tache sur la blan­cheur de son âme. Très vive, très remuante, devant un caprice, une dis­pute, « l’on n’a­vait qu’à me dire, raconte Mar­gue­rite, que c’é­tait offen­ser Dieu, cela m’ar­rê­tait tout court ».

Un jour de car­na­val, alors que Mar­gue­rite avait cinq ans et son frère Chry­so­stome, sept, celui-ci déni­cha une épée et vint pro­po­ser à sa petite sœur de chan­ger d’ha­bits avec lui et de cou­rir après les fer­miers du voi­si­nage pour leur faire grand-peur. Mais Mar­gue­rite refu­sa, crai­gnant de com­mettre un péché. A l’âge de huit ans, Mar­gue­rite per­dit son père. Sa mère, acca­blée par le cha­grin, absor­bée par ses affaires à démê­ler, ses terres à sur­veiller, dut se déci­der à mettre sa petite fille en pen­sion chez les Cla­risses de Charolles.

Mar­gue­rite, si pieuse, se plut au milieu des reli­gieuses. Celles-ci, de leur côté, admi­raient cette char­mante enfant, docile, appli­quée à l’é­tude du caté­chisme. Elles virent que cette petite âme pure dési­rait ardem­ment rece­voir Notre-Sei­gneur dans la sainte Eucha­ris­tie. Aus­si, mal­gré tous les usages de ce temps, la pré­pa­rèrent-elles à faire, dès l’âge de neuf ans, sa pre­mière Com­mu­nion. Cette ren­contre avec Jésus allu­ma dans le cœur de Mar­gue­rite une flamme d’a­mour qui devait tou­jours gran­dir. A par­tir de ce moment, on la vit chan­ger. Elle, si joyeuse, si remuante dans les récréa­tions, ne sut plus s’a­mu­ser. A peine com­men­çait-elle à cou­rir, à jouer avec les autres élèves qu’il lui sem­blait qu’au fond de son cœur Notre-Sei­gneur lui rap­pe­lait qu’Il était là et l’in­ci­tait à le prier. Il lui fal­lait quit­ter les jeux, aller se cacher dans un coin des bâti­ments et s’y mettre à genoux.

Auteur : Falaise, Claude | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 8 minutes

« Vou­lez-vous m’an­non­cer à Mon­sei­gneur… s’il vous plaît, » ajou­ta après coup Basile.

Le secré­taire de Mon­sei­gneur demeu­ra un ins­tant muet de stu­pé­fac­tion en face du jeune gar­çon aux allures ath­lé­tiques et désin­voltes qui lui deman­dait de l’in­tro­duire dans le bureau de son .

« J’en ai déjà vu pas mal de drôles, son­gea l’ab­bé Char­pente ; mais des petits gars aus­si sûrs d’eux que celui-ci… jamais, bien sûr ! »

— C’est à quel sujet ? inter­ro­gea le prêtre, dési­reux d’é­vi­ter à son supé­rieur toute visite sus­cep­tible d’être reçue aus­si effi­ca­ce­ment par l’un des ser­vices de l’évêché.

— Affaire stric­te­ment per­son­nelle, répon­dit Basile.

évêché où Basile sollicite l'évêque pour recevoir la confirmation

L’ab­bé Char­pente res­ta sans voix. Déci­dé­ment ce jeune sol­li­ci­teur savait ce qu’il vou­lait, et le vou­lait avec force.

La manière per­sua­sive, la droi­ture de son regard, sa pres­tance en imposaient.

« Voi­ci que je me laisse inti­mi­der par un gamin ! » se gron­da l’ab­bé ; mais il frap­pa quand même à la porte de Mon­sei­gneur et intro­dui­sit l’é­ton­nant visiteur.

Basile entra sans hési­ta­tion, tra­ver­sant avec aisance la vaste pièce aux meubles vieillots.

L’é­vêque s’é­tait levé. Il ne le fai­sait pas pour tous les visi­teurs, étant presque impo­tent ; mais l’en­trée de ce moins de quinze ans en ce salon où défi­laient sur­tout des gens âgés et impor­tants appor­tait une telle bouf­fée de fraî­cheur et de jeu­nesse que le vieil homme s’a­van­ça vers l’ar­ri­vant avec une tendre joie.

— Mon enfant, mon cher enfant ! Vous avez dési­ré voir votre Évêque ?

— Oui, Monseigneur.

— Et pour­quoi avez-vous besoin de votre Évêque, mon fils ?

— C’est pour une confir­ma­tion, dit Basile avec assu­rance. Vous pou­vez y aller : je suis à jeun, ajou­ta-t-il, tra­his­sant du pre­mier coup par ce détail son igno­rance, et le côté abso­lu­ment anor­mal de sa démarche !

Auteur : Le Douaron, Père Guillaume | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 9 minutes

J’é­tais à peine arri­vé depuis trois semaines en que mon Supé­rieur m’en­voya bap­ti­ser un vieux dans le vil­lage d’A­déane, situé à douze kilo­mètres. J’é­tais heu­reux, je vous l’a­voue. Une dif­fi­cul­té sur­git sou­dain : com­ment ins­trui­rai-je cet homme ?

« Il est bien dis­po­sé, me dit le Père ; je l’ai ins­truit des véri­tés néces­saires ; d’ailleurs, Céles­tin pour­ra les lui rap­pe­ler. Quant au che­min, sui­vez la ligne du télégraphe. »

Croi­rait-on qu’une ligne télé­gra­phique tra­ver­sât la brousse ? Mais sans aucun avan­tage pour le brous­sard, car elle fai­sait cent kilo­mètres sans lais­ser tom­ber le moindre écho du monde civilisé.

Missionnaire et son guideJe me mis en route sous la conduite de Céles­tin, mon guide. Pour pro­vi­sions, un misé­rable pois­son et quelques bis­cuits. Il était sept heures. Quelle marche pénible à la queue leu leu dans ces sen­tiers de brousse aux mille détours, sous un soleil acca­blant, et avec le sou­ci de ne pas poser un pied sans regar­der aupa­ra­vant, car il est facile de trébucher.

* * *

Nous mar­châmes long­temps sans inci­dent. La brousse, les champs de riz, les espaces incultes que tra­ver­saient les biches, les coins de forêt où piaillaient et sif­flaient des mil­liers d’oi­seaux aux plu­mages les plus variés, tout me fas­ci­nait, moi, jeune brous­sard, au point que j’en oubliai la route…

« La ligne ! dis-je à Célestin.

— Nous la retrou­ve­rons là-bas, mon Père. »

Et l’on mar­cha long­temps encore. Le soleil deve­nait bien chaud, quoi­qu’on fût au mois de décembre.

« Onze heures. Voyons, Céles­tin, nous avons dépas­sé le village ?

— Non, mon Père. », me répon­dit-il avec l’air tran­quille de quel­qu’un qui ne s’en fait pas pour quelques kilo­mètres de plus ou de moins. Les Noirs sont d’en­dia­blés marcheurs.

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au Cœur des Grandes Alpes. Dauphiné et Savoie .

Temps de lec­ture : 4 minutes

Au bord du lac

Qu’elle est belle, cette route Napo­léon ! Elle longe le beau lac de Laf­frey, aux reflets d’a­zur… Voi­ci main­te­nant le lac de Péti­chet moi­ré d’argent, plus loin, le lac de Pierre-Châ­tel plein de mys­tère, par­mi le chu­cho­te­ment des roseaux. N’est-ce pas une bonne grand mère, qui rentre, char­gée de bois mort, dans le soir tombant ?

— Grand’­mère, il doit en pas­ser des autos sur la route !

GRAND-MÈRE. — L’é­té, ça ne cesse pas. Si vous aviez été ici, l’autre année, en sep­tembre, vous en auriez comp­té des mille. C’é­tait le Cen­te­naire de .

FRANÇOISE. — Qu’est-ce que la Salette ?

Grand-mère racontant l'histoire de la Salette aux enfantsGRAND-MÈRE. — Une haute mon­tagne, à près de deux mille mètres et bien sau­vage. Quelques prai­ries avec beau­coup de pierres et de rochers. Pas un arbre, pas un buis­son. Et tout là-haut, une magni­fique église où l’on vient de par­tout prier . Ah ! j’y suis allée tant de fois quand j’é­tais jeune. On se met­tait en route, avant le soleil, à pied, par les sen­tiers de la mon­tagne, en chan­tant des can­tiques. Ces veillées en plein air, ces pro­ces­sions aux flam­beaux, c’é­tait très beau !

ANNE-MARIE. — Pour­quoi a‑t-on bâti une église si haut ?

GRAND-MÈRE. — C’est une mer­veilleuse his­toire. Ren­trez donc. Mon four­neau est « éclai­ré ». Nous serons mieux au chaud. Et je m’en vais « puis » vous faire une – « pogne »[1]. Vous goû­te­rez ça !

  1. [1] Pogne, sorte de brioche.