Sainte Marguerite-Marie vint au monde le 22 juillet 1647, dans le village de Vérosvres, au hameau de Lhautecour, diocèse d’Autun. Elle fut baptisée en l’église de Vérosvres dont son oncle Antoine Alacoque, qui fut son parrain, était alors curé. Son père, Claude Alacoque, « notaire royal », y habitait une propriété composée d’une ferme et d’un grand pavillon. C’est là que se passa l’enfance de Marguerite, à part, vers l’âge de quatre ans, un long séjour chez sa marraine, au château de Corcheval.
Sa marraine la laissait libre de jouer, de courir dans les allées et les charmilles du parc. Mais, sur la terrasse du château, s’élevait une chapelle, et Marguerite se faisait une joie d’y entrer à chaque instant. Les personnes chargées de sa surveillance ne la trouvaient-elles ni dans les jardins, ni dans la maison ? Elles n’avaient qu’à pousser la porte de la chapelle. Elles apercevaient l’enfant, à genoux sur les dalles, ses petites mains jointes, immobile, les yeux fixés sur le tabernacle où elle savait que Jésus habitait dans la sainte Hostie. Marguerite quittait la chapelle à regret quand on l’appelait, car elle serait restée là des heures entières sans s’ennuyer.
A Lhautecourt, près de la maison de ses parents, se creuse un petit vallon abrité de chênes. Marguerite s’y plaisait plus que partout ailleurs. De loin, assise sur une roche, elle apercevait l’église du village, et même, à travers les vitraux, le reflet de la lampe du sanctuaire. Elle pensait à Jésus et lui disait qu’elle l’aimait.
C’est chose extraordinaire qu’une petite fille prie si longtemps ! D’habitude, les enfants, après un « Notre Père » ou un « Je vous salue » se sauvent bien vite jouer. Mais le bon Dieu attirait le cœur de Marguerite comme avec un aimant et la voulait tout à lui, parce qu’il lui réservait une grande mission.
Aussi, toute petite, lui fit-il comprendre la laideur du péché et l’horreur de la moindre tache sur la blancheur de son âme. Très vive, très remuante, devant un caprice, une dispute, « l’on n’avait qu’à me dire, raconte Marguerite, que c’était offenser Dieu, cela m’arrêtait tout court ».
Un jour de carnaval, alors que Marguerite avait cinq ans et son frère Chrysostome, sept, celui-ci dénicha une épée et vint proposer à sa petite sœur de changer d’habits avec lui et de courir après les fermiers du voisinage pour leur faire grand-peur. Mais Marguerite refusa, craignant de commettre un péché. A l’âge de huit ans, Marguerite perdit son père. Sa mère, accablée par le chagrin, absorbée par ses affaires à démêler, ses terres à surveiller, dut se décider à mettre sa petite fille en pension chez les Clarisses de Charolles.
Marguerite, si pieuse, se plut au milieu des religieuses. Celles-ci, de leur côté, admiraient cette charmante enfant, docile, appliquée à l’étude du catéchisme. Elles virent que cette petite âme pure désirait ardemment recevoir Notre-Seigneur dans la sainte Eucharistie. Aussi, malgré tous les usages de ce temps, la préparèrent-elles à faire, dès l’âge de neuf ans, sa première Communion. Cette rencontre avec Jésus alluma dans le cœur de Marguerite une flamme d’amour qui devait toujours grandir. A partir de ce moment, on la vit changer. Elle, si joyeuse, si remuante dans les récréations, ne sut plus s’amuser. A peine commençait-elle à courir, à jouer avec les autres élèves qu’il lui semblait qu’au fond de son cœur Notre-Seigneur lui rappelait qu’Il était là et l’incitait à le prier. Il lui fallait quitter les jeux, aller se cacher dans un coin des bâtiments et s’y mettre à genoux.