Méchants buissons, blanches robes et très gente Dame

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Assomption

« Ciel ! comme nous voi­là faits !… »

Les Enfants jardiniers : Eté. Enfants arrosant et jouant avec un chien - Desportes François (d'après Charles Le Brun)Ils étaient par­tis endi­man­chés, vêtus de blanc ain­si que les lis des jar­dins et les mar­gue­rites des champs. Par­tis par une très longue route vers la Cité mer­veilleuse où leur père était , et où ils seraient princes.

Leur mère, sage et pru­dente, leur avait dit au départ :

« Pre­nez grand soin de vos vête­ments imma­cu­lés : votre père n’y tolé­re­rait ni tache ni accroc.

– Bien sûr ! » avaient répon­du filles et gar­çons, gaillards et fanfarons.

Oui, mais…

En route, il leur avait pris fan­tai­sie de s’a­mu­ser : ils avaient joué, ri, chan­té, cha­hu­té, et puis cha­hu­té, chan­té, ri et joué, comme des fous, dans la pous­sière des villes et dans la bouc des champs, sans regar­der aux ronces du che­min, aux épines des buis­sons, sans se sou­cier le moins du monde de leurs beaux vête­ments cou­leur de mar­gue­rites et de lis…

Ils n’y avaient point pensé.

Mais voi­ci qu’en arri­vant aux portes de la Cité, un rayon de sa lumière les tou­cha, dans lequel, sou­dain, ils se figèrent, transis.

« Ciel ! comme nous voi­là faits ! » répé­ta le plus grand en écho.

La nouvelle Jérusalem - Tapisserie d Angers - l 'Apocalypse de Saint Jean

Et le plus petit se mit à pleurer.

Et tous les autres à trembler.

Dans cette aube-là, qui ne res­sem­blait à aucune autre clar­té mais les dépas­sait toutes, ils se sen­taient eux-mêmes trans­pa­rents et trans­per­cés, hon­teux de leurs taches et de leurs trous, et de leur visage empous­sié­ré, le long duquel les larmes en dégou­li­nant fai­saient des mar­brures grises que leurs paumes étalaient.

Avan­cer ? Ils n’osaient.

Recu­ler ? Ils ne le pouvaient.

Un désir aigu de se cacher leur fai­sait por­ter leurs regards de tous côtés en quête d’un abri. Mais les rochers mêmes, en cette indi­cible trans­pa­rence, étaient plus clairs que des dia­mants et leur ser­vaient de miroirs. Les yeux fer­més et leurs deux poings des­sus bien ser­rés, ils voyaient encore ces taches et ces accrocs, et les sol­dats du roi qui arri­vaient avec des mines dégoû­tées pour…

…Pour quoi faire, mon Dieu ?

Dans la Cité de Beau­té, il n’y avait place ni pour leurs souillures ni pour leurs trous ; sans que leur père l’ait dit, ils le savaient et se fai­saient petits, tout minces, le plus minimes qu’ils pou­vaient, afin de pas­ser inaper­çus. Mais dans ce jour de cris­tal une pous­sière même se voyait plus sûre­ment qu’une mon­tagne dans notre soleil…

* * *

Le regard de leur père, sou­dain, pesa sur eux. Ils eussent vou­lu ren­trer sous terre ; mais la terre aus­si était pétrie de lumière…

Autour des cou­pables, ser­vi­teurs et sol­dats s’as­sem­blaient, et les ministres autour du Roi, en cour de jus­tice. Les pau­vrets, rata­ti­nés et tran­sis, n’o­saient lever les yeux ni souf­fler mot. Le silence était aus­si grand que la lumière. La sen­tence allait tomber.

Mais ce silence étale, sou­dain, vibra d’un chaut suave et loin­tain, qui mon­ta, mon­ta par vagues, jus­qu’à l’emplir d’une musique d’al­lé­gresse née de cent mille voix accor­dées. Et le regard du Roi, ces­sant de trans­per­cer les enfants sales et loque­teux, se repo­sa, ravi, sur le cor­tège immense qui s’a­van­çait pour le triomphe d’une Femme…

Une Femme qui était Lumière dans la lumière et miroir de toute clarté.

Une Femme plus belle que le jour et plus suave que le lis.

Si suave et si belle que le Roi l’a­vait envoyé cher­cher pour la faire en sa ville et en tous ses domaines…

« Oh ! la belle Dame », mur­mu­ra une toute petite fille par­mi les enfants saisis.

« Et comme elle a l’air bon », répon­dirent les autres dans un souffle.

Mais voi­ci que les harpes d’or s’ar­rê­taient de vibrer et les chœurs de chan­ter : le Roi s’a­van­çait au-devant de la Dame.

Fra Angelico - Le Couronnement de la Vierge - 1432

« O Reine, dit-il,-vous voi­ci désor­mais chez moi, Dame et Maî­tresse sur toutes choses et toutes gens. »

La Sou­ve­raine incli­na la tête gra­cieu­se­ment sous la cou­ronne royale qu’il y dépo­sait, et le concert, de nou­veau, écla­ta dans la jubilation.

Le cor­tège, déjà, vou­lait se refor­mer pour son entrée dans la Cité.

Mais la Reine, sou­riante et assu­rée, fit signe que non, et qu’elle avait autre chose à faire avant.

Une chose qu’elle accom­pli­rait toute seule et sans suivants.

Les ser­vi­teurs, les sol­dats, toute la foule regar­daient sans com­prendre cette Reine qui s’é­chap­pait de sa cour et cou­rait, seule et pres­sée, par des sentes mal­ai­sées, vers quelques enfants sales et déguenillés…

Car elle venait, oui, vers les pauvres petits qui la regar­daient, bouche bée, se deman­dant quelle atti­tude prendre et com­ment lui cacher leurs taches et leurs trous.

Mais elle, sim­ple­ment, s’as­sit sur un rocher de dia­mant et, débar­bouillant, les­si­vant et rac­com­mo­dant ain­si que font toutes les mamans du monde, fit leur toi­lette en un ins­tant, si habile et si tendre que la toute petite fille mur­mu­ra à l’o­reille de sa grande sœur :

« Pour sûr, c’est une Reine-… »

* * *

Une Reine-Maman qui, sa tâche accom­plie, ras­sem­bla les enfants en bande sous son grand man­teau, et s’en revint joyeu­se­ment avec eux aux portes de la Ville…

« Entrons main­te­nant », dit-elle à sa cour.

Ain­si qu’en un conte mer­veilleux, le Roi sou­rit et la cour aus­si. Sous le man­teau de la Sou­ve­raine, les petits, avec elle, pre­naient pos­ses­sion du beau royaume…

Tou­te­fois ce n’est point ici un conte, mais une his­toire vraie. Les noms des enfants étaient : Pierre, Fran­çois, Jac­que­line, Made­leine, Cathe­rine, vous, et moi…

Et le nom de la Dame était : .

Rose Dar­dennes.

Coloriage Assomption de la Vierge Marie

2 Commentaires

  1. Gross a dit :

    Abbaye de Saint Mau­rice, le 14 07 2012
    Mer­ci pour votre site.
    Je dési­re­rai avoir plus d’i­mages de la Vierge Marie à colo­rier pour les enfants.
    Merci !

    14 juillet 2012
    Répondre
    • Le Raconteur a dit :

      Dans les sites qui sont sur la page des liens, vous trou­ve­rez quelques colo­riages de qua­li­té. Par­ti­cu­liè­re­ment le site Trans­mettre et les deux liens du bas, appe­lé Images chré­tiennes et Images de saints

      Autre­ment, il y a l’in­con­tour­nable Google images.

      Bonnes lec­tures.

      14 juillet 2012
      Répondre

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