Les saints de tous les métiers I

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Ne disons pas : « La sain­te­té, ce n’est pas pour moi ; je ne suis ni un évêque, ni un moine, ni ceci, ni cela… » Il est des saints de tous métiers : caba­re­tiers, agri­cul­teurs, cor­don­niers, ser­vi­teurs, -col­por­teurs, char­bon­niers, sol­dats, méde­cins, avo­cats, ins­ti­tu­teurs.… on trouve même un ex-. De même, pour les femmes, nous avons des culti­va­trices, des ser­vantes, une tein­tu­rière, et… une star d’Athènes !

Le comédien

Il se nom­mait Genès, et sans doute, dans tout l’é­lan de sa « jeu­nesse », ne son­geait-il qu’à faire le pitre, à rire et à faire rire. C’est ain­si que, païen de Rome, il se fit ins­truire des céré­mo­nies chré­tiennes pour les tour­ner en ridi­cule sur la scène. Les spec­tacles de ce genre étaient très à la mode au temps de Dioclétien.

Aujourd’­hui, Genès s’ap­prête à jouer une farce impie dont il tien­dra le rôle prin­ci­pal, celui du néo­phyte un peu niais qui va rece­voir le bap­tême. La comé­die com­mence… Les spec­ta­teurs s’en donnent à cœur joie quand, sou­dain, sai­si par la grâce, le jeune homme se sent enva­hi d’un ardent désir du bap­tême : « O Dieu, s’é­crie-t-il en son cœur, lavez-moi en cette eau bap­tis­male ; en toute sin­cé­ri­té je veux être chré­tien ! »

Per­sonne n’a pu voir l’ac­tion inté­rieure de la grâce ni entendre le cri de Genès, mais tout le monde remarque le sérieux de l’ac­teur. Il entre trop bien dans son rôle ; ce n’est plus amu­sant du tout ; les rires se sont tus : « Dis donc ! fais-nous rire un peu ! »

Coloriage - Vie pour les jeunes de Saint Genès, comédien et martyr
« O Dieu, lavez-moi en cette eau »

Ces sortes de paro­dies se ter­mi­naient géné­ra­le­ment par l’in­ter­ro­ga­toire du soi-disant nou­veau chré­tien qui, à la grande joie des spec­ta­teurs, n’hé­si­tait pas à sacri­fier aux idoles, après avoir répon­du aux inter­ro­ga­toires de la façon la plus cocasse, ou bien, qui refu­sait de sacri­fier et rece­vait, pour la forme, sa condam­na­tion. Un magis­trat com­plai­sant (un vrai, celui-la !) consent à se prê­ter à cette comé­die. Genès est donc conduit à l’in­ter­ro­ga­toire par des acteurs dégui­sés en sol­dats : mais quoi, il répond avec une fer­me­té, une sin­cé­ri­té qui ne laissent pas de doute : « Jus­qu’i­ci j’a­vais une telle haine contre les chré­tiens que je ne savais que les tour­ner en déri­sion ; je raillais leurs céré­mo­nies sur la scène, j’al­lais les insul­ter au milieu des tour­ments. Aujourd’­hui, à peine l’eau du bap­tême a‑t-elle tou­ché mon front, que toute ma vie m’a fait hor­reur. Vous qui avez applau­di aux pro­fa­na­tions que j’ai faites des mys­tères chré­tiens, com­men­cez donc par les révé­rer avec moi. »

La foi, l’a­mour, éclatent dans le regard et l’at­ti­tude du comé­dien. Il est clair qu’il n’est plus seule­ment « dans son rôle ». Il parle franc. Hors de lui, le magis­trat ordonne à Genès de sacri­fier aux idoles.

Jamais ! Dieu seul est Dieu !

Alors, c’est la tor­ture. Dans les sup­plices il n’a qu’un mot

— Mille morts ne m’ô­te­ront pas du cœur le nom du Christ ! Mon seul regret est d’a­voir com­men­cé si tard à l’adorer ! »

Il est déca­pi­té le .

Le der­nier acte, (non plus de la comé­die bouffe mais du drame) a répa­ré au cen­tuple toutes les paro­dies sacri­lèges. Au ciel se joua l’apothéose.

Saint Genès, faites-nous appré­cier ce bap­tême qui nous a faits chré­tiens. Que notre reli­gion ne soit jamais une comé­die mais l’ex­pres­sion vraie de notre foi !

Guy sacristain-colporteur

Celui-ci ne joua jamais d’o­dieuses comé­dies sacri­lèges ; né de parents très pauvres, il entra à quinze ans, comme sacris­tain, au ser­vice de l’é­glise de Lae­ken, près de Bruxelles. Il avait à balayer l’é­glise, entre­te­nir les autels, ran­ger les orne­ments, son­ner les cloches, ser­vir la messe… tout cela lui allait droit au cœur ; et tout en fai­sant son ménage, en ran­geant la sacris­tie, en allant et venant, il ne ces­sait de prier. Son tra­vail fini, il s’a­ge­nouillait devant le taber­nacle et n’en bou­geait plus ; il lui arri­vait même sou­vent d’y pas­ser toute la nuit en prière. Enfant, il était déjà si pieux qu’on l’a­vait sur­nom­mé l’ange du vil­lage. Avec cela, calme, aimable, poli, sans rien d’exa­gé­ré ou de ridi­cule. Tout le monde l’ap­pré­ciait et l’ai­mait dans sa paroisse, à com­men­cer par son curé qui espé­rait bien le gar­der tou­jours à Laeken.

Oui ! Mais Guy avait deux amours : celui de son église et celui des pauvres ; or, pour secou­rir ses pauvres, il lui fal­lait de l’argent ; et pour gagner de l’argent, le de valait mieux que celui de sacris­tain… Ain­si lui dit un mar­chand de Bruxelles qui cher­chait un « asso­cié ». Le brave Guy s’y lais­sa prendre. Ils réunirent quelques paco­tilles et par­tirent les vendre en Angle­terre − Nau­frage − Guy n’a d’autre res­source que de rega­gner son église. Il y reste douze ans, sacris­tain si exem­plaire qu’a l’es­time, à l’af­fec­tion du cler­gé et des parois­siens, se joint la plus sin­cère véné­ra­tion. Autre­fois on l’ap­pe­lait l’ange du vil­lage ; main­te­nant, on le nomme : le saint : , priez pour nous !

L’humble Guy pense que le mieux est de s’é­loi­gner. Depuis si long­temps, il pro­jette un pèle­ri­nage à Rome et à Jéru­sa­lem ! Le prix du voyage ne l’ar­rête pas ; il ira à pied, quitte à y mettre le temps. À la fin dixième siècle, c’est tout à fait courant.

Récit de la vie de Saint Guidon d Anderlecht - sacristains et colporteur
« À Rome il ren­contre le curé d’Anderlacht »

Il part : Bruxelles, Rome, Jéru­sa­lem ; et de nou­veau Rome. Le cœur de l’É­glise l’a conquis. Qui a vu Rome une fois, n’as­pire qu’a y retour­ner. Bien volon­tiers aus­si, Guy rever­rait Jéru­sa­lem, mais serait-ce rai­son­nable de refaire un tel voyage ? Une occa­sion de cha­ri­té lui en four­nit le pré­texte : à Rome, il ren­contre le Curé d’An­der­lacht, sa paroisse natale, avec un groupe de parois­siens. Ces Belges hésitent à pour­suivre en Terre Sainte ; l’in­con­nu les effraie : périls, misère, men­di­ci­té, car c’est l’ha­bi­tude des pèle­rins de deman­der leur pain en route par esprit de pau­vre­té, de péni­tence et aus­si parce que bien peu auraient eu le moyen d’emporter de quoi sub­ve­nir aux frais d’hô­tel­le­ries d’aus­si longs voyages. Il y avait sept ans déjà que Guy péré­gri­nait… Bref, il accep­ta avec joie de se faire le guide du petit groupe. Il aurait pu faire le fan­fa­ron : « J’ai vu ceci, j’ai vu cela… » Bien humble, il se montre char­mant com­pa­gnon : et le curé d’An­der­lacht envie son confrère, le Cure de Lae­ken, d’a­voir un pareil sacristain.

À Jéru­sa­lem, un des pèle­rins est atteint d’une mala­die conta­gieuse qu’il com­mu­nique aux autres. Guy les soigne tous avec la plus grande cha­ri­té : mal­gré ses soins, ils meurent jus­qu’au der­nier, et Guy revient seul à Ander­lacht où il annonce la mort du Doyen. Rete­nu au ser­vice de l’é­glise, il y reprend la charge de sacris­tain… pas pour long­temps… Épui­sé de son long voyage, il part pour le ciel le 1012. Les cha­noines d’An­der­lacht l’en­terrent dans leur cime­tière et tant de miracles s’o­pèrent sur son tom­beau qu’il est bien évident que les parois­siens de Lae­ken ne s’é­taient pas trom­pés en le nom­mant le saint. Une église fut éle­vée près de sa tombe ; on y vint en foule véné­rer ses reliques. Aurait-il jamais pen­sé être le but d’un pèle­ri­nage, le grand pèle­rin si humble ?

À vous, saint Guy, nous deman­dons un grand res­pect de nos églises et de tout ce qui s’y trouve, un fervent amour de l’É­glise catho­lique et rou­maine, cette Église que Jésus fon­da par sa mort à Jéru­sa­lem. Faites que nous allions tous vous rejoindre à la Jéru­sa­lem céleste où il fera si beau !

Crépin et Crépinien, cordonniers

Au temps de Cré­pin et de Cré­pi­nien, temps plus recu­lé que celui de Guy, les rou­tiers étaient moins des pèle­rins que des apôtres qui allaient por­ter l’É­van­gile, des sol­dats romains, des émi­grants, des com­mer­çants, des étran­gers et autres voya­geurs… et tout ce monde por­tait san­dales, et les cor­don­niers avaient fort à faire.

Patrons des cor­don­niers, Cré­pin et Cré­pi­nien se mirent dans le chaus­sure de façon très inat­ten­due. Jeunes romains, issus de riche famille païenne, l’un des deux frères ayant embras­sé le chris­tia­nisme, et son frère avait sui­vi aus­si­tôt, tels, plus tard, et chez nous, Dona­tien et Roga­tien : « Nous sommes, disaient-ils, plus unis par la foi et par le cœur que par le sang ».

Un jour, Cré­pi­nius et Cré­pi­nia­nus apprennent que le pape Fabien a envoyé en Gaule sept mis­sion­naires des­ti­nés aux villes d’Arles, Nar­bonne, Tou­louse, Cler­mont, Limoges, Tours et Paris. À cette nou­velle, nos amis n’ont qu’une idée, les suivre, les aider. Cette idée, ils la par­tagent avec d’autres jeunes gens : Quen­tin, Lucien, Rufin, Valère et Eugène ; et ils partent sans pro­vi­sions et sans argent, car leurs parents païens ne les ont pas les­tés pour le voyage.

Remon­ter l’I­ta­lie, tra­ver­ser une par­tie de la Gaule, ne se fait pas en un jour : nos mil­liers ont bon appé­tit et s’ils tendent la main, n’ins­pirent pas com­pas­sion : « Des gar­çons en pleine force, quelle honte Tra­vaillez ! Gagnez votre pain ! »

Ils décident alors d’ap­prendre un métier. Cré­pi­nius et Cré­pi­nia­nus entrent chez un arti­san faire leur appren­tis­sage de cor­don­niers, puis reprennent la route en chan­tant. Ils s’ar­rêtent dans les fermes, sur les places des vil­lages. Aus­si­tôt les san­dales s’a­mon­cellent autour d’eux.

D’é­tape un étape, ils atteignent Paris. Saint Denis les y reçoit à bras ouverts : on ne rebute pas de jeunes auxi­liaires aus­si cou­ra­geux : « Puisque vous vous êtes faits cor­don­niers, res­tez cor­don­niers ; vous serez apôtres par­mi vos clients. »

Récit pour le KT de la vie des Saint Crepin et Saint Crepinien - Patron des cordonniers
« Ils engagent la conver­sa­tion avec serfs, esclaves, artisans »

Et voi­la com­ment Cré­pin et son frère devinrent « Cré­pins ». Ils lais­sèrent leur nom au métier ; et voi­là pour­quoi fut ; au moyen-âge, patron très fêté de la cor­po­ra­tion. Il est d’ailleurs, tou­jours, patron des cordonniers.

Conquise par César cin­quante ans avant Jésus-Christ, la Gaule com­pre­nait alors quatre pro­vinces : l’A­qui­taine, la Lug­du­naire, la Bel­gique et la Nar­bon­naise. La Gaule-Bel­gique englo­bait, outre la Bel­gique, une très grande par­tie de la Gaule. C’est cette Gaule-Bel­gique qui fut confiée par saint Denis à l’é­van­gé­li­sa­tion des deux frères. Ils par­courent les routes en tous sens… et tout en cou­sant le cuir à gros points, ils engagent la conver­sa­tion avec serfs, esclaves, arti­sans… Ayant vu beau­coup de pays, ils savent des choses inté­res­santes, de plai­santes anec­dotes ; on cause avec eux volon­tiers, et très vite on parle reli­gion. Cré­pins et clients se quittent les meilleurs amis du monde, se pro­met­tant de se revoir au cours d’une pro­chaine tour­née… et, peu à peu, les idées changent, le ter­rain se pré­pare… Beau­coup se font chrétiens…

Pen­dant trente ans, Cré­pin et Cré­pi­nien vivent ain­si de leur métier, cor­don­niers et apôtres. Enfin ils se fixent à Sois­sons où ils prennent la tète de la com­mu­nau­té chrétienne.

Sur ce, l’im­pie Maxi­mien vient en Gaule-Bel­gique. Il y entend par­ler des deux frères et les fait arrê­ter. On les trouve répa­rant les chaus­sures des pauvres. Maxi­mien les inter­roge, leur offre le choix entre le mar­tyre ou les hon­neurs et richesses, s’ils sacri­fient aux dieux. Ils optent pour le mar­tyre et pour le Christ. On leur fait subir divers tour­ments, puis, le 287, on leur tranche la tête.

Aban­don­nés aux chiens, leurs corps sont recueillis et bien cachés par un vieillard et, sa vieille sœur. Plus tard, saint Éloi les fait reti­rer de leur cachette. Leur culte devint très populaire.

Cré­pin et Cré­pi­nien ont fait mieux que de faci­li­ter la marche de leurs contem­po­rains sur les voies romaines et les sen­tiers des Gaules. Ils ont aidé leurs frères à mar­cher sur les che­mins de Dieu.

Saints frères Cré­pin et Cré­pi­nien, vous avez encore en ce monde beau­coup de frères à bien chaus­ser pour le che­min des cieux ! Tra­vaillez ! Aidez-nous de votre prière !

Pélagie, la danseuse

Tous les saints ne meurent pas mar­tyrs, nous en avons pour preuve Guy et Péla­gie. Celle-ci s’oc­cu­pait moins de res­se­me­ler de vieilles chaus­sures que de taire admi­rer l’a­gi­li­té extra­or­di­naire de ses jolis pieds. Dan­seuse de pro­fes­sion, sa beau­té, ses talents, sa voix, lui avaient atti­ré beau­coup d’admirateurs.

Vie de Sainte Pelagie - danseuse - récit pour les enfants du catéchisme
« Pen­dant qu’il par­lait entra la plus belle des mimes »

L’É­vêque d’Hé­lio­po­lis vint prê­cher à Antioche. Pen­dant qu’il par­lait entra « la plus belle des mimes, la plus renom­mée des dan­seuses, ses jambes nues dis­pa­raissent sous les perles d’or ; la tête et les épaules sont décou­vertes. » « Je la consi­dère comme une colombe noire et souillée, dit ensuite le pré­lat, mais cette colombe sera lavée dans les eaux du bap­tême et elle s’en­vo­le­ra blanche comme la neige. »

De fait, la dan­seuse vient trou­ver l’É­vêque : « Je m’ap­pelle Péla­gie, lui dit-elle et les gens d’An­tioche m’ont sur­nom­mée la perle à cause des bijoux dont mes péchés m’ont ornée. Je désire me puri­fier par le bap­tême et me don­ner à Dieu. »

Deux jours après, Péla­gie don­nait tout aux pauvres, se revê­tait du cilice, et par­tait pour Jéru­sa­lem où elle vécut dans une cel­lule, au Mont des Oliviers.

Après une vie de prière et de péni­tence, elle mon­ta là où toutes les saintes dépassent en beau­té les plus grandes beau­tés d’An­tioche et du monde…

, quels que soient notre métier et notre voca­tion, comme vous, nous ne vou­lons plus vivre que pour Dieu, cha­cun à notre place.

Agnès Gol­die

2 Commentaires

  1. deparis a dit :

    saint du puisatier

    16 mars 2018
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