Les œufs de Pâques de Catiche

Auteur : Jourdan, Juliette | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Il était une fois… Comme dans un conte… une petite belle comme le jour… blonde comme les blés… bonne comme le pain… et tout… et tout…

Histoire pour les momes à imprimer - Les oeufs de Pâques -Vieille femme et ses poulesElle s’ap­pe­lait Alinda.

Ce matin-là, elle s’en reve­nait de chez Catiche, l’an­cienne gar­dienne d’oies du château.

Il faut vous dire que cette Catiche avait une mau­vaise répu­ta­tion… on la disait sorcière.

Comme elle était laide et bos­sue depuis son jeune âge, les gens se moquaient d’elle et, pour se ven­ger, elle leur disait :

« Je vais vous jeter un sort… Pre­nez garde ! vos bêtes seront malades, l’eau de vos puits vous don­ne­ra la colique… »

Et comme on a tou­jours des ennuis dans la vie avec les bêtes, et quel­que­fois mal au ventre, les vil­la­geois gémis­saient : « Ça y est » et finis­saient par la croire, et elle aussi…

Mais Alin­da était tel­le­ment bonne qu’elle ne s’oc­cu­pait pas de cela et visi­tait la vieille Catiche, tou­jours aus­si laide et main­te­nant presque impotente.

***

Qu’il fai­sait beau ce matin du Same­di-Saint. L’air était léger, le soleil inon­dait la cam­pagne ; on res­pi­rait, on vivait, on avait envie de s’envoler.

A son départ de la chau­mière, la vieille avait don­né trois œufs de à la jeune fille :

« Le blanc est l’œuf de Blan­chette : quand vous l’au­rez gobé, demoi­selle, vous serez heu­reuse… Le jaune, qu’a pon­du Jau­nette, vous appor­te­ra la for­tune ; et le coco tout rosé de ma pou­lette noire vous don­ne­ra un mari. »

Récit pour la Catéchèse des jeunes - œufs de Pâques colorésAlin­da savait bien que les pou­lettes ne peuvent pas mettre dans leurs œufs le pou­voir que les hommes eux-mêmes n’ont pas, mais l’i­ma­gi­na­tion de Catiche l’a­mu­sait et fai­sait trot­ter la sienne.

Riche… heu­reuse… aimée… Hélas ! en fait de mari son père par­lait bien d’un sien cou­sin, mais elle ne se connais­sait comme parent qu’un vieux gen­til­homme chauve, pos­ses­seur d’un gros ventre et dont le nez se plis­sait si drô­le­ment quand il par­lait qu’elle avait tou­jours envie de rire… C’é­tait un mari quelque peu mal assor­ti à ses dix-huit ans.

Elle che­mi­nait vers le châ­teau, quand, au détour de la route, elle aper­çoit un jeune homme, assis sur une souche, la tête dans les mains.

En fille bien éle­vée, elle passe outre…

Et puis, son bon cœur l’emporte : il est peut-être malade ou malheureux.

« Mes­sire… Mes­sire… Avez-vous besoin de quelque secours ?

— Hélas ! Made­moi­selle, le seul secours qu’il me faut, vous êtes fille trop noble sans doute pour le por­ter dans votre aumô­nière. Ce serait un croû­ton de pain, car je me suis égare et je meurs de faim.

— Du pain ? Je n’en ai pas, bien sûr, mais je vous don­ne­rai mieux : un œuf, que vous allez gober. »

Le blanc ? le jaune ? le rosé ? Lequel sacri­fie­ra-t-elle ? Bah ! elle est assez riche comme cela.

Conte d'un princesse et son chateau - Jeune fille et campagne printanière Toc, toc, toc, voi­là l’œuf de Jau­nette bri­sé d’un coup de cou­teau et hop… il a disparu.

« Déjà fini le repas ? Vous en man­ge­rez bien deux, Messire ? »

La cou­leur monte aux joues du gar­çon et ses yeux brillent.

L’œuf blanc devait por­ter bon­heur à la petite prin­cesse, mais y en a‑t-il de plus grand que de nour­rir un malheureux ?

« Tenez, Mes­sire, rassasiez-vous. »

Le vaga­bond se relève, tré­buche un peu et se redresse.

« Allons ! fait Alin­da, pre­nez ce troi­sième œuf dans votre besace, vous ne res­te­rez plus à jeun. »

Adieu, songe-t-elle, mon œuf de Pâques, mes­sa­ger d’a­mour. Je suis Alin­da comme avant, avec tous mes rêves envolés.

« Est-ce loin, le Châ­teau Noir ? » inter­roge le voyageur.

« Vous en êtes à deux pas…

— Mais alors, j’at­tei­gnais le but et ne le savais point ! Oh ! Dites !… vous devez connaître la demoi­selle ? Est-elle belle ?

— Je ne sais pas… »

Le voya­geur soupire…

« On m’a dit qu’elle était belle, mais sur­tout que son âme se lisait sur son visage…

— Que vous a‑t-on dit encore ?

— Que dans ses yeux était une grande lumière… Car elle est tel­le­ment bonne… Mais, vous vous tai­sez, petite fille ?… Il paraît qu’elle ne peut pas voir un mal­heu­reux sans lui don­ner tout ce qu’elle a et sans l’ai­mer de toutes ses forces. Mais vous êtes gen­tille et vos yeux aus­si sont lumi­neux. Alors, je vais vous dire mon grand secret… Mon escorte est déjà arri­vée au châ­teau. Ne l’a­vez-vous point vue ?

— Non…

— Chut… Je viens deman­der la main de la Prin­cesse du Châ­teau Noir… ma loin­taine cou­sine… On m’a mon­tré tant de châ­te­laines orgueilleuses et de jeunes filles au cœur dur, tant de beau­tés sans âme… Je sais qu’a­vec Alin­da j’au­rai la joie… Mais qu’a­vez-vous ? Qu’avez-vous ? »

…Alin­da était blanche comme neige. Des larmes rou­laient sur ses joues et ses mains trem­blaient. Alors, le voya­geur devina :

« C’est vous Alin­da ! C’est vous ! »

Il lui prit la main :

« Ah ! comme nous allons être heureux ! »

Et ils dis­pa­rurent ensemble vers le Châ­teau Noir.

Riche… Aimée… Heureuse !

Com­ment Catiche croi­ra-t-elle qu’A­lin­da n’a pas man­gé ses œufs ?

Juliette Jour­dan.

Conte pour Pâques, le chateau de la princesse qui rencontre son prince !

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