Le sacrement qui guérit

| Ouvrage : 90 Histoires pour les catéchistes I .

Temps de lec­ture : 7 minutes

L’extrême-onction

Histoire pour le KT : Le Général de Caulaincourt conduisant la charge des cuirassiers à la bataille de la Moskova, le 7 Septembre 1812C’é­tait à la san­glante bataille de la Mos­ko­wa, où Russes et Fran­çais s’é­taient bat­tus avec un achar­ne­ment farouche. Le géné­ral de Cau­lin­court venait d’en­le­ver les posi­tions enne­mies pour la troi­sième fois lorsque la cava­le­rie fran­çaise, ayant à sa tête le capi­taine Bakel, entra comme un oura­gan dans les murs de Boro­di­no. Les Russes la saluèrent par une ter­rible décharge d’ar­tille­rie. Le capi­taine Bakel, bles­sé à la jambe et à l’é­paule, tom­ba de che­val. Ses sol­dats le rele­vèrent et l’emportèrent aus­si­tôt au pas de course sous une pluie de balles. Peu à peu le silence se fit sur le champ de bataille… et le vaillant capi­taine, ouvrant les yeux, sou­rit en enten­dant le clai­ron fran­çais son­ner la vic­toire. « Nous sommes vain­queurs, mur­mu­ra-t-il… J’y comp­tais bien ! »

Cepen­dant le chi­rur­gien man­dé en hâte auprès du bles­sé lais­sa pas­ser vingt-quatre heures avant de venir à son che­vet, tant sa tâche était immense. Comme le sang ne cou­lait plus le major put extraire assez facile­ment la balle logée dans l’é­paule. Il allait se reti­rer en féli­ci­tant le bles­sé de son cou­rage quand celui-ci ajou­ta : « Et ma jambe, vous ne la regar­dez pas ? — Com­ment, dit le chi­rur­gien, une jambe encore après l’é­paule ! Vous faites du luxe !» Et se pen­chant à nou­veau sur le bran­card il décou­vrit le membre malade. Quel effroyable engin avait pu réduire le pied en cet état ? Le cuir des bottes, les chairs hachées, les os broyés, tout cela for­mait une hor­rible plaie affreuse à voir.

« Mon Capi­taine, dit le major, il n’y a qu’une planche de salut ; et sans hési­ter… C’est de vous cou­per la jambe. »

Bakel se redres­sa comme gal­va­ni­sé. « Jamais, s’é­cria-t-il ! Je pré­fère mourir ! »

« Vos pré­fé­rences n’ont rien à voir là-dedans, mon ami, reprit le chi­rur­gien. Il s’a­git de vous sau­ver la vie et je ne puis le faire qu’à cette condi­tion. La gan­grène com­mence à mon­ter vers le genou ; il faut abso­lu­ment vous amputer. »

Le jeune offi­cier, qui sem­blait n’a­voir plus qu’un souffle de vie, sai­sit pour­tant, de sa main valide, un fusil appuyé au che­vet de sa couche et, le pre­nant par le canon, en fit un ter­rible mou­li­net qui fit s’é­car­ter tout le monde à la ronde !

« Je casse la figure au pre­mier qui touche ma jambe », s’écria-t-il.

« Lais­sons-le tran­quille, dit le major… La fièvre lui monte au cer­veau ! D’ailleurs je ne suis pas sûr du tout de lui sau­ver la vie en lui cou­pant la jambe… Il sera sans doute mort ce soir ! » Et il se retira.

Après son départ, le capi­taine repla­ça l’arme à ses côtés et appe­lant un qui ser­vait d’in­fir­mier, lui dit : « Panse-moi comme tu pour­ras puis va cher­cher un prêtre. J’en ai vu un qui tra­ver­sait les lignes pen­dant que nous nous bat­tions. Trouve-le au plus vite et amène-le moi. »

Pour le KT : Sacrement des malades - prêtre et mourantQuelques ins­tants plus tard un aumô­nier mili­taire, la sou­tane toute déchi­rée et macu­lée de taches de sang, était au che­vet du capi­taine et enten­dait sa confession.

« Main­te­nant, dit le mou­rant, don­nez-moi aus­si l’. »

« C’est dif­fi­cile, mon ami, répon­dit le prêtre. Les sain­tes huiles sont dans ma cha­pelle de cam­pagne et le convoi est res­té à l’arrière ! »

« Mais n’y a‑t-il pas une église catho­lique à Boro­di­no ? » deman­da le capitaine.

« Peut-être… »

« Eh bien, mon Père, allez‑y vite ! Je ne veux pas par­tir pour l’autre monde sans avoir ma feuille de route en règle ! »

Le soir même, le bles­sé reçut avec une foi pro­fonde le sacre­ment qui console et for­ti­fie les malades et achève de puri­fier l’âme de ses souillures.

« Je ne sais pas, M. l’Au­mô­nier, dit le bles­sé, pen­dant qu’on bai­gnait une nou­velle fois son pauvre pied broyé. J’ai deman­dé l’Ex­trême-Onc­tion pour avoir la grâce de bien mou­rir et cepen­dant… il me semble que je vais beau­coup mieux ! »

Le len­de­main en effet, le chi­rur­gien stu­pé­fait de trou­ver le capi­taine encore vivant, lui offrit de nou­veau ses ser­vices pour une ampu­ta­tion qui lais­sait encore quelque chance de suc­cès. Le regard du bles­sé suf­fit comme réponse ! L’au­mô­nier revint. « Mon Père, lui dit le capi­taine, je souffre le mar­tyre, mais je crois que je gué­ri­rai, l’Ex­trême-Onc­tion m’a for­ti­fié le corps et l’âme ! »

De fait, len­te­ment les plaies se cica­tri­sèrent ! Quand la gué­ri­son fut com­plète, le major fut obli­gé de chan­ger de régi­ment, car chaque fois que Bakel le ren­con­trait, il le mon­trait à ses cama­rades et disait : « Voyez-vous cet excellent homme ? Eh bien, ce n’est pas de sa faute si j’ai mes deux jambes aujourd’hui ! »

Récit du catéchisme à raconter aux momes : chirurgien, blessé et l'empereur NapoléonDans la suite, l’of­fi­cier, par­fai­te­ment réta­bli, poursui­vit sa car­rière et arri­va au grade de colo­nel. C’est à ce titre qu’il se trou­vait, en la ter­rible année 1815, à Water­loo. La bataille n’é­tait pas encore per­due… Sol­dats et offi­ciers fai­saient des pro­diges de bra­voure pour sau­ver l’hon­neur de leur patrie. Bakel, bles­sé au visage, à l’é­paule et à la jambe, ruis­se­lait de sang sur son che­val mais ne bron­chait pas. Sabre au clair il com­man­dait la charge ! Sou­dain l’Em­pe­reur mit son che­val au galop, déta­cha la Croix d’hon­neur qui déco­rait sa poi­trine et l’é­pin­glant sur celle du colo­nel, lui dit : « Bakel, tu es un brave ! »

Au même ins­tant l’of­fi­cier s’é­va­nouis­sait et tom­bait dans les bras d’un de ses hommes. On l’emporta à l’am­bulance et, de là, à l’hô­pi­tal. Quand il revint à lui il vit un prêtre qui le bénis­sait et un chi­rur­gien qui le regar­dait d’un air qui sem­blait dire : « Il est per­du, le pauvre colonel ! »

Alors Bakel fit un effort pro­di­gieux et murmura :

« Mon­sieur l’Ab­bé, don­nez-moi l’Ex­trême-Onc­tion. C’est mon remède ! Elle aide à bien mou­rir mais aus­si à mieux vivre ! »

récit pour illustrer le sacrement des malades - l'onction des maladesLe prêtre se ren­dit au désir du bles­sé et lui admi­nis­tra le sacre­ment. Le capi­taine enten­dit confu­sé­ment les pa­roles : « Sei­gneur, ayez pitié de votre ser­vi­teur… Par­­don­nez-lui ses péchés. Accor­dez-lui la gué­ri­son et la vie pour qu’il vous serve plus fidè­le­ment si telle est votre volonté… »

Le soir de ce jour Bakel prit un bol de bouillon puis s’en­dor­mit d’un som­meil pai­sible. Peu à peu la fièvre tom­ba et au bout de quelques semaines on par­la de convalescence…

« Vous voyez, dit le colo­nel à ceux qui le soi­gnaient, il faut dire à vos malades de deman­der l’Ex­trême-Onc­tion ! Elle m’a ren­du deux fois la vie ! »

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