Les lecteurs qui connaissent le récit suivant comprendront qu’il était impossible de faire un livre[1] ayant pour sujet les miracles sans relater le plus merveilleux de tous, celui qui a permis la plus belle des découvertes, offrant à la vénération universelle, l’ignoble instrument du supplice de Notre Seigneur, mais aussi, l’instrument béni de la rédemption du monde : je veux parler de l’invention de la Sainte Croix.
L’empereur Constantin avait déjà été marqué par ce signe quand, s’apprêtant à aller prendre possession de l’empire, il eut une apparition : il vit dans le ciel une croix plus éclatante que le soleil, sur laquelle étaient écrites ces paroles : « Par ce signe, tu vaincras ! » Il comprit tout de suite le message. Le monogramme du Christ va remplacer l’aigle sur la bannière impériale qui sera désormais surmontée d’une croix (c’est la naissance du labarum).
Mais le ciel est plus exigeant encore la nuit précédant le terrible combat qui l’opposa à Maxence, Notre Seigneur lui apparut en songe, lui recommandant de mettre une croix sur le bouclier de chacun de ses soldats. Le remède fut efficace : Maxence fut défait, emporté par les eaux du Tibre.
La victoire sur le tyran allait changer la face du monde, permettant d’établir solidement le règne du christianisme sur tout l’empire.
Conseillé par sa mère sainte Hélène, il décida, en remerciement de ses succès, d’envoyer une expédition à Jérusalem destinée à retrouver le sépulcre du Christ. Hélène fut du voyage. Après avoir déblayé des monceaux de terre et de gravats, les romains découvrirent le saint sépulcre que les païens avaient cru enfouir à tout jamais. À cette heureuse nouvelle, l’empereur ordonna à Macaire, évêque de Jérusalem, d’élever, sur le lieu même de la résurrection du Sauveur, une église digne d’abriter une telle relique.
Hélène, qui était restée sur place pour surveiller les travaux, résolut de se mettre à la recherche de la croix du Christ.
Renseignée par révélation que le bois salutaire se trouvait dans un des caveaux du Saint-Sépulcre, elle fit creuser en cet endroit avec tant d’ardeur et de diligence qu’elle découvrit enfin ce trésor. La Providence, en effet, avait utilisé les mains sacrilèges des impies qui, l’ayant caché dans les entrailles de la terre pour le soustraire à la dévotion des fidèles, l’avaient ainsi protégé, durant tout le temps des persécutions, de la fureur des idolâtres qui n’auraient pas manqué de le détruire ou de le brûler.
Divine croix qui sut attendre que le monde fût redevenu chrétien pour recevoir les adorations qu’elle mérite !…
Dieu récompensera les efforts de l’impératrice bien plus qu’elle n’eût osé l’espérer : outre la croix, elle trouva les clous qui avaient attaché Notre-Seigneur et le titre INRI. Cependant, une chose la mit en peine : les croix des deux larrons crucifiés avec lui étaient aussi là, ce qui l’empêcha de distinguer l’une des autres (précisons bien que la pancarte INRI s’étant détachée, avait été retrouvée à part).
Saint Macaire qui l’assistait dans cette affaire résolut bientôt cette difficulté : ayant fait mettre tous les fidèles présents en prière, il demanda à Dieu de faire découvrir à son Église le véritable instrument de sa Rédemption. L’effet ne se fit pas attendre.
Une femme aux portes de la mort ayant été amenée sur ce lieu, on lui fit toucher les deux croix de larrons, sans le moindre résultat , mais dès qu’on l’approcha de celle du Sauveur du monde, elle se sentit entièrement guérie, quoique son mal eût résisté jusqu’alors à tous les remèdes humains et que les médecins aient jugé son état comme désespéré. Le même jour, saint Macaire rencontra un mort qu’une grande foule accompagnait au cimetière. Il fit arrêter ceux qui le portaient et toucha, en vain, le cadavre avec les deux premières croix ; aussitôt qu’on eut approché celle du Seigneur, le mort ressuscita.
C’en était assez pour le saint évêque de Jérusalem et pour Hélène qui, ravie d’avoir enfin trouvé le trésor qu’elle avait tant désiré, remercia Dieu d’une si grande faveur et fit bâtir à cet endroit une église magnifique. Elle y laissa une bonne partie de la croix qu’elle fit richement orner ; une autre partie fut donnée à Constantinople ; le reste fut envoyé à Rome, dans une église qu’elle avait fondée avec Constantin et qui prit le nom d’église Sainte-Croix de Jérusalem.
O Dieu, qui avez renouvelé les merveilles de votre Passion dans l’invention miraculeuse de votre croix salutaire, faites que, par le prix de cet arbre de vie, nous obtenions les biens de votre vie éternelle.
- [1] Récit tiré du livre Le monde merveilleux des saints, Françoise Bouchard, Éd. Résiac, 1995↩
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