Pierrette et Pierrot sont radieux : ils vont à la noce de cousine Luce ! Pierrot portera culotte longue, et Pierrette diadème de myosotis…
— Je serai jolie, jolie ! annonce Pierrette en se haussant sur la pointe des pieds.
— Et qu’est-ce qu’on va se régaler ! Il y aura des asperges, de la dinde, du moka et une pièce montée, grande comme moi ! affirme Pierrot en se pourléchant.
Cousine Luce et Jean — son fiancé — échangent un regard amusé. Mais les deux enfants poursuivent leur babil gourmand et coquet.
— Dis, cousine, il y aura aussi du Champagne ?
— Et des ananas ? Et un bal avec des violons ?
— Et de la glace aux fraises !
— Il y aura des belles dames en robes longues ?
— Et moi, je porterai un joli bouquet tout rond ?
— Oui, oui, bien sûr, il y aura tout cela, mais…
Pour la seconde fois, Luce et Jean ont échangé un regard amusé, puis attendri. Et maintenant, il se fait curieusement grave et doux.
— Il y aura beaucoup de belles et bonnes choses « autour » de notre mariage, oui, répète Luce gravement, mais ce n’est pas tout, vous savez…
Pierrette et Pierrot ouvrent des yeux tout ronds :
— Il y aura encore autre chose ?…
— Autre chose de bien plus beau, affirme Jean souriant à Luce.
Les deux curieux sont excités :
— Qu’est-ce que ce sera ?…
— Tu nous le dis, cousine Luce…
Mais elle sourit et fait « non » de la tête, en les regardant malicieusement.
— Chut… Vous verrez…
— C’est une surprise ?
— C’est plus beau qu’une surprise.
Pierrette et Pierrot sont de plus en plus intrigués. Mais cousine Luce dit seulement :
— Vous regarderez. Vous écouterez. Et… vous devinerez…
* * *
Le grand jour venu, Pierrette et Pierrot, jolis à croquer en leurs atours de petits pages, portent gravement la traîne de la mariée. Conscients de leur mission, ils marchent à pas précieux jusqu’au chœur où ils étalent la traîne et le voile, fort soigneusement. Puis ils prennent place dans les bancs, les tout premiers. Ils voient fort bien les mariés. Ils entendront facilement :
Or, le prêtre vient à eux et leur parle :
— Mon cher Jean, ma chère Luce, vous allez vous unir pour la vie. Vous vivrez ensemble des heures joyeuses et des heures douloureuses. Il n’est ni simple ni facile de mener sa vie tout droit, ensemble, dans un bel amour, avec les enfants que Dieu vous confiera. Vous aurez besoin d’une aide puissante, paternelle, constante. Cette aide, vous venez de la demander à Dieu. Et Dieu répond à votre confiance par ce sacrement de mariage qui vous « branchera » sur sa force et son amour, pour votre vie à deux.
Pierrot est tout oreille : le mariage, c’est donc cela ?
Pierrette est émue : elle en oublie l’ananas et le diadème de myosotis… quelque chose de grave est en train de se faire..
— Jean M., consentez-vous à prendre pour légitime épouse, selon le rite de notre mère la Sainte Église, Luce B. ici présente ?
— Oui, j’y consens.
— Luce B., consentez-vous à prendre pour légitime époux, selon le rite de notre mère la Sainte Église, Jean M. ici présent ?
— Oui, j’y consens.
— Donnez-vous la main. Je vous unis en mariage, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Pierrette et Pierrot fixent gravement ces deux mains rassemblées sous le signe de la croix. Ils ont oublié la glace et le défilé. Leur cœur est tout ouvert à autre chose.
— Mes chers amis, dit le prêtre aux nouveaux époux, vous voici unis pour la vie. Car les enfants que Dieu vous donnera ont besoin d’un Papa et d’une Maman penchés ensemble sur eux, pour les faire grandir. Vos anneaux d’or que je vais bénir et que vous échangerez, vous rappellerons ce lien qui, désormais, vous attache l’un à l’autre jusqu’à la mort.
Les petits pages n’en perdent pas une parole : « la noce » c’est donc cela ?
Pierrette sourit doucement. Pierrot contemple les beaux anneaux d’or aux doigts de cousine Luce et de cousin Jean. Ils ont oublié la crème et les toilettes. Ils ne s’expliquent pas bien, mais ils sentent confusément que « la noce » c’est bien plus qu’un bon repas et de belles robes…
Aller à la noce, c’est d’abord prier tous ensemble pour les mariés.
Que vont-ils demander à Jésus pour Luce et Jean ?
Pierrette aussi fixe l’alliance de leurs doigts. C’est curieux : avant la noce, Jean n’était pas leur cousin, maintenant, il est leur cousin ; bien sûr, c’est parce qu’il est marié à leur cousine. C’est comme si l’anneau d’or les accrochait l’un à l’autre…
— Jésus, dit Pierrot, faites qu’ils ne cassent jamais cet anneau-là.
Et Pierrette, songeant soudain combien elle serait triste si Papa n’était plus avec Maman, ou si Maman s’en allait loin de Papa, murmure avec ferveur :
— Mon Dieu, tenez bien accrochés Papa-Maman aussi !
* * *
Les enfants ne pensent pas longtemps aux choses graves. Pierrette, soudain, se souvient de son diadème de myosotis rosés, et Pierrot de la glace aux fraises entrevue dans le réfrigérateur.
Et tout le reste de la journée, ils se régalent de bonnes choses et s’amusent beaucoup : le jour où Dieu bénit un nouveau foyer est un grand jour de fête.
Mais au soir, à l’heure du marchand de sable, tandis que Maman borde tendrement les petits lits. Pierrot suit du regard la douce main maternelle. Et Pierrette, quand vient son tour, prend soudain cette main, et, avec un respect tout neuf, embrasse longuement son anneau de mariage…
Rose Dardennes.
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