Chrétiens de Chine

Auteur : Goldie, Agnès | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 20 minutes

« Hé ! Gamin, d’où viens-tu ? demande un chef de la police à un gar­çon de 11 ans qui sort de la mai­son des Sœurs.

— Je viens d’al­ler apprendre mon catéchisme.

II y aura encore l'Église Catholique en Chine !
« II y aura encore l’É­glise Catho­lique en  ! »

— Ton caté­chisme ! Pas la peine ! Bien­tôt il n’y aura plus en Chine ni Sœurs, ni Pères, ni Église Catholique.

Et le petit chré­tien de répondre magnifiquement :

— Mais moi, je suis chez moi en Chine ! Je res­te­rai en Chine ! Et comme je suis chré­tien, bap­ti­sé, catho­lique, il y aura encore l’É­glise Catho­lique en Chine ! ! »

Bra­vo petit Chinois !

Les fillettes ne sont pas moins intré­pides. Celle-ci, dix ans, fait par­tie de la Légion de Marie.

« Tu vas signer contre la Légion de Marie.

— Jamais !

— Tu signeras !

— Met­tez-moi en pri­son si vous vou­lez ; je ne signe­rai pas !

— Si tu vas en pri­son, on te cou­pe­ra la tête.

— Cou­pez-moi la tête ; je ne signe­rai pas ! »

Cette fois, c’est une maman de six enfants, dont le mari, méde­cin, est depuis plus d’un an en pri­son comme chef de l’Ac­tion Catholique :

« Une bonne nou­velle. Nous allons relâ­cher votre mari ; il a enfin signé… une petite for­ma­li­té toute simple… Signez vous aus­si et dès que vous aurez signé, votre mari sera relâ­ché. » (Signa­ture qui équi­va­lait à une renon­cia­tion à la foi chrétienne.)

La femme se lève, regarde les hommes et fer­me­ment leur dit :

« Vous men­tez ! Je connais mon mari ; il n’a cer­tai­ne­ment pas signé. S’il le fai­sait et était libé­ré, j’i­rais prendre sa place ! »

Ce n’é­tait qu’une ruse. Il n’a­vait pas du tout signé.

Avec de tels parents, com­ment les enfants, les jeunes gens, ne seraient-ils pas magni­fiques ? Les étu­diants savent pour­tant que s’ils res­tent fidèles à l’É­glise, ils seront refu­sés aux exa­mens. Toute épreuve com­mence en effet par un exa­men poli­tique auquel sont mêlées les ques­tions reli­gieuses : Église, Pape, Sainte Vierge…

L’é­tu­diant catho­lique répond en catho­lique ; il est éli­mi­né ! Tant pis pour le diplôme qui lui aurait ouvert une belle car­rière ! Ces jeunes filles comp­taient sur leur diplôme d’in­fir­mière pour vivre une vie de dévoue­ment et pour assu­rer leur pain quo­ti­dien. Elles sont réduites à la men­di­ci­té pour avoir été fidèles à leur conscience. Croyez-vous que cela abatte les autres étu­diants ? Aucu­ne­ment ! Ils sont à Shan­ghaï 2.500 étu­diants et étu­diantes, soli­de­ment grou­pés en Jeu­nesse Étu­diante Catho­lique. Jus­qu’i­ci c’é­taient des chré­tiens moyens, absor­bés par l’é­tude, aimant bien s’a­mu­ser aux heures de détente. Sous les coups de la , ils ont mis Dieu, l’É­glise, leur foi, au pre­mier rang de leurs sou­cis. Ils étaient indi­vi­dua­listes : Cha­cun pour soi ! Et voi­là qu’ils se groupent, qu’ils font bloc. Ten­dus vers un même idéal, ils font, en toute loyau­té, en toute volon­té, quatre promesses :

1. Pro­messe de venir à toutes les convo­ca­tions. Pour­tant c’est dur ; les réunions, le plus sou­vent, se font la nuit et on risque d’être pris.

2. Pro­messe de sérieux, de bonne tenue, de pure­té par­faite : On tra­vaille pour le Christ.

3. Pro­messe d’ac­com­plir toutes les mis­sions qui leur sont confiées par l’É­glise catholique.

4. Pro­messe de ne jamais fuir la pri­son ni la mort.

Cette pro­messe d’ac­com­plir toutes les mis­sions confiées, et pour les­quelles sou­vent on se pro­pose, peut mener loin.

Il y avait à Shan­ghaï 80.000 catho­liques et 200 apos­tats. 200 ce n’é­tait pas beau­coup contre 79.800 fidèles. C’é­tait encore trop.

Les apos­tats (anciens chré­tiens qui ont renon­cé à leur reli­gion) n’ont évi­dem­ment plus le droit de rece­voir les sacre­ments, à part celui de Péni­tence. Pour eux, com­mu­nier serait un sacrilège.

Ces apos­tats de Shan­ghaï eurent l’i­dée dia­bo­lique d’al­ler com­mu­nier comme avant : « Allons com­mu­nier, dirent-ils. Comme tout le monde sait qui nous sommes le prêtre devra nous refu­ser la com­mu­nion ; alors nous irons le dénon­cer. La police vien­dra et on verra ! »

C’est grave. Un prêtre arrê­té dans une église, les apos­tats se pré­sen­te­ront à la sainte table dans une autre et ain­si dans toutes les églises de Shan­ghaï, y fai­sant arrê­ter tous les prêtres déjà trop peu nombreux.

Les étu­diants vont trou­ver leur Évêque : « Lais­sez-nous agir ; c’est notre affaire ! »

Pen­dant un mois, ils gardent les tables de com­mu­nion de toutes les églises de Shan­ghaï. Les apos­tats se pré­sentent ; les prêtres refusent la com­mu­nion, les apos­tats vont cher­cher la police, les étu­diants « se bagarrent, » vont an poste, dis­cutent les lois de la récep­tion des sacre­ments. Fina­le­ment, excé­dée, la police se lasse et dit aux apos­tats : « Lais­sez-nous tran­quilles ! N’al­lez plus communier. »

Les étu­diants catho­liques ont gagné la par­tie chau­de­ment disputée !

Pro­messe de ne jamais fuir la pri­son et la mort, disions-nous. Ils la tiennent ! Cette pro­messe-là, ils la renou­vellent sou­vent et ils ont tou­jours à côté d’eux le petit paquet qui leur sera néces­saire en pri­son. Pour aller en pri­son il faut por­ter un habit sans bou­tons ni cein­tures ni lacets. Le petit paquet contient donc, pré­pa­ré d’a­vance, un habit de pri­son, à la chi­noise et sans bou­tons, et puis une tasse, une assiette, une brosse à dents… Tous les jeunes ont leur paquet chez eux et quand ils se sentent par­ti­cu­liè­re­ment mena­cés, ils le portent sur eux, en bandoulière.

Ce n’est pas très amu­sant de vivre en cette attente de la mort. Appe­lés à la police la nuit, ils ont peur ; c’est normal.

Qu'est-ce que votre Église ?...
Qu’est-ce que votre Église ?…

« Tu as eu peur ?

— Oui j’ai eu peur, mais j’ai prié et la peur m’a quittée. »

Le bon Dieu, la Sainte Vierge les assistent : « On m’a deman­dé ceci… J’ai eu recours à la Sainte Vierge et j’ai répon­du cela. »

Une jeune fille, seule catho­lique dans une Uni­ver­si­té païenne, est en lutte à toutes les attaques du pro­fes­seur de poli­tique : « Qu’est-ce que votre Église ? lui demande-t-il, et la Chi­noise de lui répondre : « Le Christ, notre fon­da­teur, a dit : Le ciel et la terre pas­se­ront, mais mes paroles ne pas­se­ront pas. Notre Église est éter­nelle. Inter­ro­gez l’His­toire. En 2 000 ans, com­bien d’empires ont pas­sé ? L’É­glise demeure, et soyez-en sûr, elle demeu­re­ra tou­jours. J’ai confiance en elle quoique je sois la seule catho­lique de l’U­ni­ver­si­té, et même si j’é­tais seule catho­lique dans toute la Chine, seule catho­lique dans le monde entier, je lui res­te­rais encore fidèle car elle a les pro­messes d’é­ter­ni­té. Dieu a don­né sa vie pour moi, je serais heu­reuse de don­ner la mienne pour lui. »

Alors le pro­fes­seur se fâche : « Vous autres catho­liques, vous êtes insup­por­tables ! Vous dites tous la même chose ; vous avez cer­tai­ne­ment une orga­ni­sa­tion secrète. Aujourd’­hui vous allez me dire quelle est cette organisation. »

La jeune fille répond cal­me­ment : « Si je vous le dis, vous ne me com­pren­drez pas, mais puisque vous me le deman­dez, voi­ci : Notre orga­ni­sa­tion secrète c’est l’Es­prit Saint. En Mand­chou­rie, en Afrique, en Amé­rique, en Europe, ici, par­tout, les chré­tiens catho­liques croient et disent la même chose parce que c’est le même Esprit qui habile notre cœur et parle par notre bouche. C’est lui qui met dans ma bouche les paroles que je vous dis et c’est pour­quoi je dis la même chose que les catho­liques du monde entier. »

Pour­quoi, dans nos églises, nos écoles, au caté­chisme, nos chré­tiens ne chantent-ils pas ce chant qui nous fai­sait vibrer quand en pen­sion nous le chan­tions en chœur :

Les siècles ont pas­sé, mais l’É­glise demeure,
Jésus la fon­da de sa main !
En vain mille enne­mis l’at­taquent à toute heure,
Elle est plus forte que l’airain !
Dieu Ta dit, elle est immortelle,
Jamais les portes de l’en­fer ne pour­ront pré­va­loir contre elle,
Elle est reine de l’univers !

R. Sainte Église, ô bien-aimée mère, je suis fière de t’appartenir !
Car en toi s’ou­vrit ma car­rière et en toi je veux la finir !
et en toi, je veux la finir !

Les jeu­nesses catho­liques chi­noises et les enfants chi­nois font mieux que le chan­ter ; ils le vivent… et s’ils en meurent, c’est pour vivre à jamais.

Écou­tez ce gar­çon de l’Ac­tion Catho­lique qui, debout sur le par­vis de l’é­glise St-Pierre, à Shan­ghaï, offre à son Évêque, au nom de tous ses cama­rades, ses vœux de bonne année :

« Nous savons, dit-il, que ces dif­fi­cul­tés de toutes sortes ne sont qu’un com­men­ce­ment. Nous avons fait juste nos pre­miers pas sur le che­min de la croix, mais nous n’a­vons pas peur, nous mar­che­rons !… En son­geant à l’u­ni­té de l’É­glise romaine, à l’a­ve­nir de notre Église de Chine, en son­geant aux innom­brables conver­sions futures, à la dif­fu­sion de la reli­gion en Chine, nous sou­rions… Nous sommes heu­reux d’a­voir la chance de vivre à une pareille époque. »

Le 27 avril 1951, elle est prise et mise en prison
Le 27 avril 1951, elle est prise et mise en prison

Nous qui sommes libres de pra­ti­quer notre reli­gion, prions-nous assez pour ces jeunes, ces enfants qui souffrent en Chine comme aus­si en Pologne et dans beau­coup d’autres pays ? C’est rela­ti­ve­ment facile de dire de belles paroles quand on jouit encore d’une cer­taine liber­té, qu’on peut s’ap­puyer sur son Évêque et sur ses prêtres, quand on se tient les coudes avec ses cama­rades, mais que c’est dif­fi­cile quand on est en pri­son, affai­bli par le manque de nour­ri­ture, inter­ro­gé jour et nuit pen­dant des heures, sup­pli­cié… Alors, les meilleurs même, par­fois succombent.

C’é­tait une étu­diante de la facul­té de Droit, ancienne facul­té catho­lique ; une fille « épa­tante » diraient nos jeunes ; « une chic fille », « une fille extra­or­di­naire », ayant un ascen­dant splen­dide sur ses cama­rades de l’Ac­tion Catho­lique. Elle menait tout le monde comme elle vou­lait, et tou­jours dans la bonne voie.

Le 27 avril 1951, elle est prise et mise en pri­son. Grand cha­grin pour les étu­diants et les étu­diantes de Shan­ghaï ! Sans doute ne revien­dra-t-elle jamais, car elle ne se dédi­ra pas de son Cre­do. Cha­cun connaît sa foi inébran­lable. Alors ses cama­rades se par­tagent entre eux les petits sou­ve­nirs qu’ils peuvent avoir d’elle, par­ti­cu­liè­re­ment son cha­pe­let. Ils le démembrent res­pec­tueu­se­ment : une petite croix, sept gros grains, cin­quante-deux petits grains. « Et puis, nous dit le nar­ra­teur, nous nous mîmes tous à genoux pour prier Dieu afin qu’elle ait le cou­rage néces­saire pour tenir dans sa pri­son. Et les mois s’é­cou­laient. Nous étions heu­reux ; nous savions qu’elle tenait. Nous avions vu des pri­son­niers sor­tir de pri­son, qui étaient venus deman­der le bap­tême. Ils avaient été conver­tis par l’ar­deur de cette jeune étudiante.

« Cela dura qua­torze mois, qua­torze mois de tor­tures morales… Et quelle ne fût pas notre décep­tion quand notre jeune amie sor­tit de pri­son… Nous la vîmes le cer­veau com­plè­te­ment retour­né ; elle était deve­nue com­mu­niste. Elle mon­ta sur la scène de l’an­cienne Uni­ver­si­té Catho­lique de l’Au­rore et se mit à accu­ser ses anciens cama­rades, à blas­phé­mer et à affir­mer son adhé­sion à l’É­glise patrio­tique chi­noise. Les cama­rades étaient atter­rés. Ils pleuraient.

Mais les com­mu­nistes n’eurent pas la vic­toire. Ils avaient pen­sé que la défec­tion du chef de l’Ac­tion Catho­lique étu­diante allait entraî­ner vers eux les étu­diants et qu’un glis­se­ment allait se pro­duire ; ils se trom­paient. L’un d’eux se leva et dit : « On nous a pris le cœur de notre sœur et nous souf­frons, mais n’al­lez pas croire que nous sommes abat­tus… » Et au lieu de l’ac­cu­ser, elle, de fai­blesse, de lâche­té, ils s’ac­cusent, eux, de n’a­voir pas prié assez pour elle : « Si l’un tombe, c’est que les autres ne l’ont pas assez secou­ru ; nous n’a­vons pas assez prié ; nous ne nous sommes pas assez sacri­fiés… » Qu’au­raient-ils fait à sa place ?

Et le gar­çon fait la col­lecte ; il ramasse les grains de cha­pe­let, il refait le cha­pe­let et l’en­voie à l’an­cienne mili­tante… Ce cha­pe­let… son cha­pe­let… il est là, sous ses yeux… dans sa main… et, ins­tinc­ti­ve­ment peut-être, elle en fait glis­ser les grains sous ses doigts : Ave… Ave Maria, gra­tia ple­na… Elle est bou­le­ver­sée par la cha­ri­té de ses cama­rades, bou­le­ver­sée par le ton si éle­vé du petit dis­cours ci-des­sus, bou­le­ver­sée de revoir son cha­pe­let… de la façon si chré­tienne et si simple dont il lui a été ren­du… Pro­fon­dé­ment trou­blée, elle va voir le prêtre auquel elle avait l’ha­bi­tude de se confes­ser et qui la diri­geait dans les passes dif­fi­ciles ; c’é­tait un Jésuite. Lon­gue­ment elle cause avec lui et, dès le len­de­main, elle quitte le par­ti com­mu­niste de Shan­ghaï et va rejoindre sa famille dans une autre ville. Là elle fait une sérieuse retraite, demande une péni­tence publique, et rentre dans l’É­glise catho­lique. Quant au prêtre qui l’a aidée à reve­nir au Christ, dès le len­de­main il a été appe­lé par la police et il n’est jamais revenu.

Et maintenant va communier !...
Et main­te­nant va communier !…

Braves sont les chré­tiens, à plus forte rai­son, héroïques sont les prêtres. Pour eux, en Chine, la seule pers­pec­tive est la pri­son ou le mar­tyre. Des cen­taines de prêtres chi­nois ont pré­fé­ré le mar­tyre à l’a­po­sta­sie. Pen­dant trois jours, tel prêtre qui ago­ni­sait dans sa pri­son, n’a fait que répé­ter le Cre­do du matin au soir afin d’ex­pri­mer sa volon­té, sa déli­bé­ra­tion tenace de mou­rir dans l’É­glise catho­lique. C’est le Père Chaîne qui meurt les bras en croix en disant : « Je suis heu­reux d’être . » Et tant d’autres !

Un prêtre est venu pour rele­ver le dio­cèse de Chun­king qui fai­blis­sait. Il est mon­té à la tri­bune devant une grande Assem­blée com­mu­niste ; il leur a dit : « Mes­sieurs, j’ai une âme et j’ai un corps. Mon âme, je la donne à Dieu ; vous n’y ver­rez pas d’in­con­vé­nients puisque vous ne croyez pas à Dieu, pas à l’âme. Mon corps est maté­riel. Parce qu’il est maté­riel, vous y croyez. Pre­nez-le, cou­pez-le en mor­ceaux si vous vou­lez, je ne signe­rai pas ! »

C’est par les chré­tiens eux-mêmes, par les enfants que les com­mu­nistes veulent faire dénon­cer les prêtres. Lin enfant reçoit une liste d’ac­cu­sa­tions qu’il doit signer. Il refuse. On lui dit : A cause de ton refus ton père est empri­son­né ; si tu conti­nues à refu­ser, il sera mis à mort… sauve ton père… en refu­sant ta signa­ture, tu ne sau­ve­ras pas le prêtre car il s’en trou­ve­ra bien quel­qu’un d’autre pour signer ces accu­sa­tions contre lui… Ain­si « tra­vaillé », pour sau­ver son père, l’en­fant signe… mais quels remords ensuite. De son confes­sion­nal, l’É­vêque l’a­per­çoit dans la foule, à Noël… Il passe devant lui. Le gar­çon lui glisse : « Je suis si mal­heu­reux. » Alors le prêtre lui donne ren­dez-vous, le confesse : « Et main­te­nant, va com­mu­nier. — Père, je n’en suis pas digne ! Je dois faire pénitence. »

Pen­dant huit jours on le voit à l’é­glise, priant, mul­ti­pliant les che­mins de croix. Son repen­tir est admi­rable et com­bien Jésus doit l’ai­mer ! Alors il communie.

« Oui, j’ai signé, avouait un chré­tien bou­le­ver­sé par sa propre fai­blesse, mais je suis Pierre ; je ne suis pas Judas ! » II reve­nait au Christ peut-être, grâce à la prière d’un petit Français.

En lévrier 1953, le Saint-Père nous a deman­dé de prier beau­coup pour obte­nir aux chré­tiens per­sé­cu­tés la fidé­li­té jus­qu’au sang.

On dit : « Ne par­lons pas de ça, c’est trop triste ! Sur­tout n’en par­lez pas aux jeunes, aux enfants… Ils ont besoin de gaî­té, de chan­sons. » Et pour­tant les enfants sont aux pre­mières loges pour prier leur Maman du ciel d’in­ter­cé­der pour notre pauvre monde. A Fati­ma, la Sainte Vierge n’a pas craint de par­ler à des enfants dont la plus jeune avait six ans, de l’en­fer, de la guerre et du com­mu­nisme : Le 13 juillet 1917, alors que cinq à six mille per­sonnes se pres­saient autour d’eux, la Sainte Vierge dit aux enfants : « Vous avez vu l’en­fer où vont abou­tir les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sau­ver, le Sei­gneur veut éta­blir dans le monde la dévo­tion à mon Cœur Imma­cu­lé. Si on fait ce que je vous dirai, beau­coup d’âmes se sau­ve­ront et on aura la paix ; mais si on ne le fait pas, si on ne cesse pas d’of­fen­ser le Sei­gneur, la divine jus­tice se mani­fes­te­ra de nou­veau par de nou­veaux châ­ti­ments. Une pro­pa­gande impie répan­dra dans le monde ses erreurs ; sus­ci­te­ra des guerres et aus­si des per­sé­cu­tions contre l’É­glise ; beau­coup de bons seront mar­ty­ri­sés ; le Saint-Père aura beau­coup à souffrir… »

Une jeune légion­naire de Marie, sur le point d’al­ler en pri­son, et seule chré­tienne dans une famille païenne, écri­vait à sa com­pagne : « Prie pour moi ; tu ne peux t’i­ma­gi­ner à quel point je souffre. Plu­sieurs de mes com­pagnes m’ont tra­hie. Prie et fais péni­tence pour que Dieu leur par­donne. La plu­part des prêtres que nous avons connus ont été empri­son­nés ; ne les oublie pas dans tes prières afin qu’ils aient le cou­rage d’ac­cep­ter le mar­tyre. Le plus pénible de tout, c’est ma famille. Le jour où mes parents ont aper­çu dans le jour­nal, mon nom au milieu de la liste des accu­sés, ils sont tom­bés à mes genoux en me sup­pliant d’a­ban­don­ner ma foi. O mon Dieu ; c’est alors, pour la pre­mière fois, que j’ai com­pris ce que peut être la souf­france. Je n’ai plus rien à t’of­frir à part mon affec­tion. Même si je dois perdre la vie, je pré­fère cette mort à la mort éter­nelle que je méri­te­rais en reniant ma foi. Chante l’Al­lé­luia avec moi ! »

Nous nous asso­cions à leur Allé­luia, mais pen­sons-nous assez à leur passion ?

Le der­nier dimanche de la Pas­sion, je vais voir des amis dans une grande paroisse de la cam­pagne : Pas de céré­mo­nie reli­gieuse, pas de che­min de croix, autre­fois régu­lier, chaque dimanche de Carême après vêpres. Il y a pièce au patro­nage… Repre­nant le car, je vais déjeu­ner dans la paroisse voi­sine, grande paroisse elle aus­si : « Si nous allions à vêpres ? C’est le dimanche de la Passion.

— Non, il n’y a rien ; il y a pièce au patro­nage. » La fri­mousse épa­nouie, tous les enfants y courent. Dans les deux paroisses, sitôt déjeu­ner, un cha­pe­let, un « petit salut » ont clô­tu­ré « la jour­née du Sei­gneur ». A part les Sœurs, qui a pu y aller ?

« Je pars au col­lège de mes fils, vou­lez-vous m’y accom­pa­gner, demande une maman de nom­breuse famille. La cho­rale donne une séance pour récol­ter quelque argent en vue d’une ran­don­née à tel grand monas­tère bénédictin. »

Une cho­rale de col­lège… un dimanche de la Pas­sion… Pour aller s’u­nir au chant des moines… ce ne peut être que sérieux.

Et voi­là : Des chants mimés, très drôles, une pièce comique de Labiche, très réus­sie, entre les numé­ros, un jazz effré­né, des gâteaux et des bon­bons à pro­fu­sion… com­pli­ments pour avoir déva­li­sé si promp­te­ment le buf­fet… l’in­vi­ta­tion pré­sente n’y avait pas man­qué, le sol est jon­ché des papillotes des sucre­ries… Et tout cela à l’heure des offices de l’é­glise et de la cha­pelle voi­sines ; à l’heure du ser­mon à Notre-Dame de Paris. Tous ces chré­tiens qui rem­plissent la grande salle n’ont pu être à l’of­fice ou à leur poste de T.S.F. Dimanche de la Passion.

Vite, vite, met­tons-nous du plomb dans la tête ; cela presse ! Les chré­tiens de Chine nous attendent, le Pape nous sup­plie, la Sainte Vierge insiste. Certes, il faut de l’argent pour nos écoles, pour nos pro­me­nades, mais les écoles, les pro­me­nades ont pour but de for­mer les enfants et on ne forme pas des enfants en les fai­sant s’a­mu­ser le jour de la Pas­sion. N’é­tait-ce pas le jour ou jamais de son­ger à la grande pas­sion de nos frères et de prier pour eux ?… En Chine, trois mil­lions et demi de chré­tiens doivent gar­der leur foi au prix de leur sang, contre une popu­la­tion totale de cinq cents mil­lions envi­ron. Ce sont nos prières, nos sacri­fices, qui leur obtien­dront la grâce, qui redon­ne­ront le cou­rage à ceux qui faiblissent.

Écou­tez l’ap­pel des catho­liques chinois :

« Nous, Chi­nois catho­liques, après avoir prié le Sei­gneur, éprou­vons le besoin de faire appel à l’es­prit de catho­li­ci­té de tous nos amis en leur deman­dant de vou­loir prier chaque jour pour obte­nir de Dieu le cou­rage aux per­sé­cu­tés, la force aux pri­son­niers, la conver­sion des per­sé­cu­teurs. Dans ce but, nous deman­dons d’of­frir à Dieu les dif­fé­rentes cir­cons­tances de votre jour­née en union avec l’É­glise souf­frante de Chine. »

Enfants, ajoutez‑y beau­coup d’Ave !

Agnès Gol­die.


Imprimatur
Verdun, le 30 juin 1953, Max. Huard, vic. gén.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire le pourriel. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.