Catégorie : <span>Dardennes, Rose</span>

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Ordre

Toc-toc !

Sou­dain dres­sée sur son lit, Marie Gimet écoute… Mais elle n’en­tend plus que les coups de son cœur dans sa poi­trine et du sang à ses tempes…

Messe clandestine sous la TerreurPour­tant, elle n’a pas rêve. On a heur­té sa porte. Et qui peut venir à cette heure de la nuit ?… Elle fris­sonne : nul ne se sent en sécu­ri­té sous cette «  » qui les nobles, ceux qui ont ser­vi chez eux, ceux qui assistent à la messe, et même, sim­ple­ment, ceux qui n’ont rien fait pour la … Elle a été tant de fois assis­ter à la messe dans une cave ou dans une grange, elle, Marie… Elle a même deux fois por­té un pot de rillettes à Mon­sieur le Curé qui doit se cacher dans les bois pour échap­per aux gen­darmes de la Révo­lu­tion qui vou­draient le jeter en pri­son… Non, vrai­ment, elle n’est pas tranquille…

— Qui est là ?

Oui, qui est là, der­rière cette porte close ?… La mort ou la vie ?… Si ce sont les gen­darmes : c’est la mort sur la guillotine.

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Ah ! ma Mère !…

— Quoi donc, ma  ? »

La jeune reli­gieuse est navrée : com­ment dire la chose à « Notre Mère » ?

« Ah ! ma Mère !… »

Jeanne Jugan, Mère superieur et fondatrice des soeurs des pauvresA son bureau, la Supé­rieure des Petites Sœurs des Pauvres s’inquiète :

« Un mal­heur est-il arri­vé, Sœur Catherine ?

— Un grand mal­heur, oui, ma Mère.

— Mais encore ?

— Bayard, ma Mère…

— Bayard ?… Qu’a-t-il fait ?

— Il est mort. »

Bayard, c’é­tait le vieux noir des Petites Sœurs. On l’at­te­lait chaque jour à la car­riole et, « fouette cocher », — Sœur Cathe­rine s’en allait de porte en porte avec son grand sac :

« Bon­jour, Madame la frui­tière ; avez-vous quelque chose pour nos chers vieux, ce matin ?

— Mais oui, ma Sœur : voi­ci trois choux. »

A côté, c’é­tait une pièce jaune ou un billet, ailleurs des pommes de terre, ou un savon à barbe ; un mor­ceau de viande chez le bou­cher, des légumes au mar­ché, du bou­din à la char­cu­te­rie… Et la car­riole, chaque midi, ren­trait pleine. Et les Petites Sœurs ravies disaient : «  est bon : nos cinq cents vieillards man­ge­ront encore demain ».

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Renée s’en­gouffre dans le cou­loir sor­dide, et d’un solide coup de talon claque la porte au nez de toute cette joie de la rue pleine de gens pres­sés, riant de por­ter du bon­heur en paquets roses et bleus, qu’ils accro­che­ront tout à l’heure à un sapin fleu­ri de lumière et d’argent.

Récit pour Noël - Illuminations de Noël et des enfantsCar toute l’al­lé­gresse de est dans la rue, dans les vitrines, sur les visages et dans les cœurs ; on la devine der­rière chaque fenêtre blan­chie ; on l’a­per­çoit par chaque porte qui s’en­trouvre sur des pavés ruti­lants ou des bras­sées de houx et de gui, on la lit dans les yeux des parents qui se fau­filent mys­té­rieu­se­ment au sous-sol avec des paquets plein les bras ; elle éclate dans la démarche même des enfants qui semblent cou­rir au-devant de la jubi­la­tion… Elle est par­tout, oui, par­tout, excep­té dans son cœur à elle et dans cette pièce toute grise où elle va retrou­ver une pauvre – sa mère – qui tousse à n’en plus finir…

« Il n’y a que pour moi que ce n’est pas Noël !… » mur­mure-t-elle avec une atroce amer­tume qui tire ses lèvres minces et noir­cit le regard de jais dans son visage terne et mal venu.

Elle s’est tas­sée sur l’es­ca­lier, mor­dillant ses ongles tour à tour et res­sas­sant cette détresse depuis des mois enli­sée au fond de son cœur, et qui déborde tout d’un coup, à l’heure même où tant d’autres cœurs s’ouvrent, larges, au bon­heur… Elle ne pleure pas : elle rage. Elle rage de 

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Conte de Noël pour les enfants - paysage d'hiver - Joos de MomperElles s’en vont, Ninon, Ninette, Nina, jupette rouge et bon­net pareil, six petits sabots cla­quant sur la terre gelée.

« Vite, vite, les sœu­rettes, car le jour baisse, dit Ninette, la plus sage.

– Vite, vite, répond Ninon, la plus ardente, car un grand tra­vail nous attend.

– Vite, vite, mur­mure Nina, la plus douce, car Mère a dit qu’on ne s’at­tarde pas. »

Et les six petits sabots mar­tèlent en chœur : « Vite, vite, vite, vite, les petites sœurs. »

Mais que c’est donc lourd, tout ce qu’elles portent, les sœu­rettes !… Et encom­brant, donc !… Elles en ont plein les poches, et plein le giron, dans les mains, dans les bras et jusque sous le men­ton… Il y a du gui, de la mousse, du houx, du lierre, de la paille, du foin et du sapin… À peine voit-on, dans toute cette ver­dure, trois fri­mousses rondes et rouges comme des pommes d’a­pi, éclai­rées de blanches que­nottes et de petits yeux de souris…

« Elle sera belle, notre

– Et

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Pier­rette et Pier­rot sont radieux : ils vont à la de cou­sine Luce ! Pier­rot por­te­ra culotte longue, et Pier­rette dia­dème de myosotis…

— Je serai jolie, jolie ! annonce Pier­rette en se haus­sant sur la pointe des pieds.

— Et qu’est-ce qu’on va se réga­ler ! Il y aura des asperges, de la dinde, du moka et une pièce mon­tée, grande comme moi ! affirme Pier­rot en se pourléchant.

Les fiancés - Oeuvre peinte par Pierre-Auguste Renoir.

Cou­sine Luce et Jean — son  — échangent un regard amu­sé. Mais les deux enfants pour­suivent leur babil gour­mand et coquet.

— Dis, cou­sine, il y aura aus­si du Champagne ?

— Et des ana­nas ? Et un bal avec des violons ?

— Et de la glace aux fraises !

— Il y aura des belles dames en robes longues ?

— Et moi, je por­te­rai un joli bou­quet tout rond ?

— Oui, oui, bien sûr, il y aura tout cela, mais…

Pour la seconde fois, Luce et Jean ont échan­gé un regard amu­sé, puis atten­dri. Et main­te­nant, il se fait curieu­se­ment grave et doux.

— Il y aura beau­coup de belles et bonnes choses « autour » de notre , oui, répète Luce gra­ve­ment, mais ce n’est pas tout, vous savez…

Pier­rette et Pier­rot ouvrent des yeux tout ronds :

— Il y aura encore autre chose ?…

— Autre chose de bien plus beau, affirme Jean sou­riant à Luce.

Les deux curieux sont excités :

— Qu’est-ce que ce sera ?…