Jean a mené ses deux vaches au parc du Vieux-Chêne. Mains aux poches, nez au vent, il revient d’un bon pas, sifflant avec les merles. Il fait bon respirer dans l’air frais toute la vie des matins !
Tiens ! Voici le Père Pierre et ses moutons : une aubaine pour Jean !
— Bonjour, Monsieur Pierre !
— Bonjour, Jean !
— Vous avez de la chance d’avoir un si beau troupeau !
— Je parie que tu as envie de jouer avec mes moutons !
— Oh ! oui… Surtout avec les petits : ils cabriolent si drôlement autour de leur mère !
Le vieil homme, habile, saisit un agnelet par la patte, le maîtrise, l’apaise.
Soudain dressée sur son lit, Marie Gimet écoute… Mais elle n’entend plus que les coups de son cœur dans sa poitrine et du sang à ses tempes…
Pourtant, elle n’a pas rêve. On a heurté sa porte. Et qui peut venir à cette heure de la nuit ?… Elle frissonne : nul ne se sent en sécurité sous cette « Terreur » qui guillotine les nobles, ceux qui ont servi chez eux, ceux qui assistent à la messe, et même, simplement, ceux qui n’ont rien fait pour la Révolution… Elle a été tant de fois assister à la messe dans une cave ou dans une grange, elle, Marie… Elle a même deux fois porté un pot de rillettes à Monsieur le Curé qui doit se cacher dans les bois pour échapper aux gendarmes de la Révolution qui voudraient le jeter en prison… Non, vraiment, elle n’est pas tranquille…
— Qui est là ?
Oui, qui est là, derrière cette porte close ?… La mort ou la vie ?… Si ce sont les gendarmes : c’est la mort sur la guillotine.
C’est à Florence, dans une riche famille bourgeoise que naquit en 1515 saint Philippe Néri. Dès son plus jeune âge, il pratiqua les vertus chrétiennes. Sa ferveur, son humilité, sa douceur et son affabilité le firent aimer de tous et on l’appelait communément « Le bon Philippe ».
Un des plus savants hommes de son siècle
Il reçut une éducation soignée, et à dix-huit ans, après de sérieuses études, on l’envoya chez un de ses oncles, un très riche marchand qui voulait le faire hériter de tous ses biens, qui étaient considérables. Mais, au bout de deux ans, il quitta son oncle se sentant appelé par une vie de perfection toute dirigée vers Jésus-Christ. Il alla à Rome sans argent et sans but bien précis. Un gentilhomme florentin le prit chez lui pour élever ses deux fils, car il avait discerné ses bonnes manières et ses précieuses vertus. Il n’accepta qu’une modeste chambre dans laquelle il vécut très pauvrement. Le jeune homme consacra ses loisirs à l’étude de la philosophie et de la théologie. C’était un esprit très cultivé, aussi ses compagnons d’étude recherchaient son amitié avec empressement, mais il restait toujours réservé, craignant de perdre un temps précieux qu’il voulait employer à la prière et à la méditation, aussi ne leur accordait-il que ce que la charité et son devoir lui commandaient. Il compléta ses connaissances par l’approfondissement des Saintes Écritures, des Pères de l’Église et du droit canon. L’étendue de son érudition était telle que ses contemporains le prenaient pour l’un des plus savants hommes de son siècle.
Il s’élevait dans le chemin de la sainteté, mais ce ne fut pas sans combat car le démon l’assaillait par de violentes tentations d’impureté, parfois même il lui apparaissait menaçant sous des formes horribles ce qui loin d’abattre son courage ne fit qu’augmenter son ardeur. La mortification des sens qu’il pratiquait était absolue et s’étendait jusqu’aux plus petites choses, il répétait souvent : Il est nécessaire de se mortifier dans les choses mêmes qui ne paraissent que bagatelles, car par là on s’accoutume à vaincre dans les grands combats.
1870. Les Allemands entrent en Alsace-Lorraine ; le canon tonne, les maisons flambent, les gens s’enfuient…
Parmi les fuyards se trouve M. de Moret. Il quitte Strasbourg en hâte, emmenant les enfants de sa fille. Ce sont deux orphelins : Charles de Foucauld, âgé de douze ans, et Marie, de trois ans plus jeune. Ils passent en Suisse, et, la guerre finie, se fixent à Nancy.
Faisons connaissance avec Charles. C’est un enfant bien doué, mais difficile. Son cher grand-père ne sait rien lui refuser, et Charles en profite ; il se montre emporté, violent, paresseux, tout en restant bon garçon à ses heures.
De mauvaises lectures viendront plus tard empoisonner son esprit et son cœur… plus de prières, plus de sacrements, et bientôt plus de foi.
Du lycée de Nancy, il passe à l’École de la rue des Postes, pour préparer Saint-Cyr.
Le voilà à Paris. Il voudrait s’amuser, mais le travail est là ; un futur officier ne saurait être un ignorant… Le travail, le travail… mais le travail l’ennuie ; il fait tout ce qu’il peut pour se faire renvoyer et il y réussit.
Son grand-père, mécontent, exige qu’il reprenne ses études à Nancy, et ce grand paresseux, grâce à sa belle intelligence, a la chance d’être reçu à l’examen et d’entrer à Saint-Cyr.
Voici maintenant Charles à Saumur, puis à Pont-à-Mousson sur la frontière de l’Est. Partout il laisse la réputation d’un bon camarade très généreux, mais aussi, d’un gourmand, d’un paresseux et d’un mauvais sujet.
Il pense plus à se composer des dîners fins qu’à gagner des galons.
Parfois, il se fait porter malade, pour être exempté du service et rester plus longtemps au lit.
Enfin, il ne croit pas en Dieu et se moque de la religion. Il est loin d’être un saint.
Aussi est-il fort mécontent lorsqu’il apprend que le 4e Hussards part pour l’Algérie. Il lui faut dire adieu aux fêtes et aux plaisirs ; il n’en a pas le courage, et à peine rendu en Afrique, sur un grave reproche de ses chefs, il se fait mettre en non-activité et rentre en France.
Nous sommes cependant sur terre pour autre chose que pour nous amuser !
Geneviève, sa quenouille tenue nonchalamment, laissait errer son regard par delà la grande plaine de Champagne qui s’étendait au pied du château. Dieu, que c’était donc ennuyeux de filer ainsi tout le jour tandis que les armées livraient bataille à l’ennemi ! Un gros soupir, lourd de tous ses désirs, s’exhala des lèvres de Geneviève.
« Ah ! si je connaissais Jeanne, j’irais la trouver et lui demanderais de me prendre avec elle. »
Cette réflexion, prononcée à voix haute, attira sur la fillette, presque une jeune fille déjà, les regards de dame Eloïse, sa mère, qui, en face d’elle, était occupée à une broderie d’autel.
« Que feriez-vous à guerroyer avec les gens d’armes ? Vous ne savez pas monter à cheval et le premier boulet vous ferait pousser de tels cris d’effroi que vous ne sauriez rester dans la bataille. »
D’un geste orgueilleux, Geneviève a relevé la tête :
« Pourquoi alors Jeanne y reste-t-elle ?
— Jeanne, mon enfant, fut mandée par Dieu pour délivrer le royaume.
— Eh bien ! pourquoi ne le serais-je pas aussi ? »
Pourquoi pas moi ? Voilà ce qui revenait sans cesse à l’esprit de Geneviève ; et s’obstinant dans son rêve orgueilleux, elle formait des projets insensés, n’écoutant pas les sages conseils que dame Eloïse, alignant ses points de broderie, lui prodiguait.
* * *
Dans la ville pavoisée, il y a grande animation : d’immenses tapis recouvrent les dalles de la cathédrale, les portes sont tendues de velours écarlate, chacun s’affaire, pavoisant sa demeure pour faire digne accueil au Roi et à Jeanne, car