Charité envers le prochain.
Toutes les fleurs sont écloses, l’atmosphère est tiède, le soleil dans un ciel sans nuage, et les oiseaux s’égosillent à qui mieux-mieux, lançant sous les ombrages du parc leurs chants clairs comme des sources : tout invite à la joie ; le cœur le plus fermé ne peut rester insensible au charme de cette fin de printemps. Plus que partout ailleurs, c’est jour de joie dans la maison de Patricia dont on fête aujourd’hui les seize ans.
Dans la cour, les bassins ont été remplis soigneusement et les jets d’eau jaillissent très haut pour retomber en fines gouttelettes sur les bras nus des fillettes rieuses qui devisent gaiement autour de la vasque de marbre…
« Mais où donc se cache Patricia ? Nous ne l’avons pas encore aperçue. », demanda Laura, une jolie brunette au visage mutin.
« Tiens, regarde, la voici.
— Ohé ! Patricia. »
Avec de grands gestes, Laura, Cécilia et Flavia appellent leur amie. Celle-ci rapidement a rejoint le groupe joyeux et qui s’extasie sur la beauté de la fête ; les jeunes filles se dirigent vers le parc, à l’extrémité duquel est installée la nouvelle volière : le magnifique cadeau d’anniversaire de Patricia. Devant les oiseaux au plumage éclatant, Laura ne peut retenir un « Oh ! » d’admiration.
« Que tu as de la chance, Patricia. », murmure Flavia avec une pointe d’envie.
* * *
Tard dans la nuit, la fête se prolonge. Au fur et à mesure que l’heure avance, Patricia sent monter en elle une immense joie, mais aussi un peu d’angoisse : si elle allait ne pas pouvoir sortir ! Les derniers invités ont franchi le seuil et l’on entend le bruit de leurs pas diminuer dans la nuit.
Patricia a rejoint sa chambre. La maison a retrouvé son calme ; aucun bruit ne trouble plus le grand silence de la nuit, si ce n’est le chant du rossignol qui s’égosille tout en haut du grand oranger.
Alors, lentement, Patricia revêt sa robe sombre et, furtive, se glisse dans le jardin. Son pas est si léger, que c’est à peine si le gravier crisse sous ses pieds. Le portail franchi, elle se hâte, la petite Patricia, elle se hâte dans les rues désertes. Parfois, une ombre furtive comme elle semble se diriger dans la même direction, mais sait-on jamais ? Alors, Patricia longe les grands murs d’un peu plus près, comme pour se confondre avec les pierres grises. Si vite elle a marché, que déjà elle aperçoit les cyprès du cimetière. Son cœur bondit de joie ; en ses yeux brille la flamme que seul un grand bonheur peut y allumer. Est-ce parce que Patricia a seize ans qu’elle est si heureuse ?