Catégorie : <span>Cordier, Y.</span>

Auteur : Cordier, Y. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 10 minutes

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Toutes les fleurs sont écloses, l’at­mo­sphère est tiède, le soleil dans un ciel sans nuage, et les oiseaux s’é­go­sillent à qui mieux-mieux, lan­çant sous les ombrages du parc leurs chants clairs comme des sources : tout invite à la joie ; le cœur le plus fer­mé ne peut res­ter insen­sible au charme de cette fin de prin­temps. Plus que par­tout ailleurs, c’est jour de joie dans la mai­son de Patri­cia dont on fête aujourd’­hui les seize ans.

Dans la cour, les bas­sins ont été rem­plis soi­gneu­se­ment et les jets d’eau jaillissent très haut pour retom­ber en fines gout­te­lettes sur les bras nus des fillettes rieuses qui devisent gaie­ment autour de la vasque de marbre…

Constantin Hölscher - Dans le temple des Vestales« Mais où donc se cache Patri­cia ? Nous ne l’a­vons pas encore aper­çue. », deman­da Lau­ra, une jolie bru­nette au visage mutin.

« Tiens, regarde, la voici.

— Ohé ! Patricia. »

Avec de grands gestes, Lau­ra, Céci­lia et Fla­via appellent leur amie. Celle-ci rapi­de­ment a rejoint le groupe joyeux et qui s’ex­ta­sie sur la beau­té de la fête ; les jeunes filles se dirigent vers le parc, à l’ex­tré­mi­té duquel est ins­tal­lée la nou­velle volière : le magni­fique cadeau d’an­ni­ver­saire de Patri­cia. Devant les oiseaux au plu­mage écla­tant, Lau­ra ne peut rete­nir un « Oh ! » d’admiration.

« Que tu as de la chance, Patri­cia. », mur­mure Fla­via avec une pointe d’envie.

* * *

Tard dans la nuit, la fête se pro­longe. Au fur et à mesure que l’heure avance, Patri­cia sent mon­ter en elle une immense joie, mais aus­si un peu d’an­goisse : si elle allait ne pas pou­voir sor­tir ! Les der­niers invi­tés ont fran­chi le seuil et l’on entend le bruit de leurs pas dimi­nuer dans la nuit.

Patri­cia a rejoint sa chambre. La mai­son a retrou­vé son calme ; aucun bruit ne trouble plus le grand silence de la nuit, si ce n’est le chant du ros­si­gnol qui s’é­go­sille tout en haut du grand oranger.

Alors, len­te­ment, Patri­cia revêt sa robe sombre et, fur­tive, se glisse dans le jar­din. Son pas est si léger, que c’est à peine si le gra­vier crisse sous ses pieds. Le por­tail fran­chi, elle se hâte, la petite Patri­cia, elle se hâte dans les rues désertes. Par­fois, une ombre fur­tive comme elle semble se diri­ger dans la même direc­tion, mais sait-on jamais ? Alors, Patri­cia longe les grands murs d’un peu plus près, comme pour se confondre avec les pierres grises. Si vite elle a mar­ché, que déjà elle aper­çoit les cyprès du cime­tière. Son cœur bon­dit de joie ; en ses yeux brille la flamme que seul un grand bon­heur peut y allu­mer. Est-ce parce que Patri­cia a seize ans qu’elle est si heureuse ?