Catégorie : <span>Saint Paul, aven­tu­rier de Dieu</span>

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Saint Paul, aven­tu­rier de Dieu .

Temps de lec­ture : 14 minutes

XII. CAPTIF A JÉRUSALEM

Chaque année, la Pen­te­côte atti­rait à Jéru­sa­lem des foules, venues de toutes les popu­la­tions juives dis­per­sées dans le monde entier. A la Pen­te­côte de l’an­née 58, Paul était dans la Ville Sainte depuis quelques semaines ; il avait revu les chefs de l’É­glise, leur avait rap­por­té tout ce qu’il avait fait, en tant de lieux, pour le Christ et sa foi. Mais un jour qu’il était sur l’es­pla­nade du Temple, des Juifs d’A­sie le recon­nurent et se mirent à hurler :

— Le voi­ci l’homme qui, par­tout, sou­lève le peuple contre notre sainte doc­trine ! Le voi­là le rebelle ! Il souille le Temple ! A mort ! à mort !

Immé­dia­te­ment, c’est une ruée contre Paul. Sans l’in­ter­ven­tion des légion­naires romains, il serait mas­sa­cré. Le tri­bun Clau­dius Lysias, voyant, du haut de la for­te­resse, l’a­gi­ta­tion de la foule, dégrin­go­la avec des ren­forts : en aper­ce­vant les chla­mydes des troupes, les glaives et les cui­rasses, les plus exci­tés se sen­tirent cal­més. Un ordre sec. Paul est arrê­té, enle­vé, por­té de bras en bras par les sol­dats, tant la foule est pres­sée et menaçante.

Dans le calme de la for­te­resse, le tri­bun inter­roge Paul. Qui est-il ? pour­quoi tout ce bruit ? L’ a beau tâcher d’ex­pli­quer ; c’est bien dif­fi­cile, pour un sol­dat romain, de com­prendre quoi que ce soit à ces dis­cus­sions de Juifs ! Que Paul parle à ses com­pa­triotes et tâche de les cal­mer ! Mais à peine l’a­pôtre a‑t-il pro­non­cé vingt phrases que le tumulte de nou­veau éclate. Exas­pé­ré le tri­bun fait rame­ner Paul dans la for­te­resse et ordonne qu’on lui donne le fouet, pour avoir trou­blé l’ordre public. Mais alors Paul se redresse de toute sa petite taille et fixant sur l’of­fi­cier un regard de feu :

— Est-ce qu’il t’est per­mis de faire fouet­ter un citoyen romain ?

— Tu es citoyen romain ? répon­dit le mili­taire se sen­tant interloqué.

— Oui.

— Beau titre ! Moi, j’ai dû l’a­che­ter très cher.

— Moi, je l’ai de naissance.

Du coup, Lysias trai­ta son cap­tif avec égards. Il le gar­da en pri­son, en atten­dant que ses supé­rieurs lui disent ce qu’il devait faire, mais sans le mal­trai­ter. La situa­tion est néan­moins inquié­tante. Autour de la for­te­resse, la foule hurle et réclame sa mort. Que le tri­bun prenne peur et qu’il l’a­ban­donne à la furie, il sera mas­sa­cré. Plus grave encore, un neveu de l’A­pôtre qui habi­tait Jéru­sa­lem, apprit qu’un com­plot se pré­pa­rait pour assas­si­ner Paul un jour où il serait conduit de la pri­son à la for­te­resse de Lysias. Mais ce der­nier, aver­ti, prit la déci­sion de faire par­tir au plus vite son prisonnier.

Soli­de­ment pro­té­gé par une escorte, Paul fut conduit à Césa­rée, le port luxueux où rési­dait le plus haut fonc­tion­naire romain, le Pro­cu­ra­teur. Celui-ci l’in­ter­ro­gea lon­gue­ment, avec sym­pa­thie, lui posant des ques­tions sur le Christ et sa doc­trine. Et Paul, cou­ra­geux comme tou­jours, lui par­la avec la plus grande fran­chise, lui repro­chant ouver­te­ment les péchés nom­breux et publics qu’il avait com­mis dans sa vie. Seule­ment, le Pro­cu­ra­teur ne se déci­dait pas à juger l’A­pôtre, à le condam­ner ou à le libé­rer. Il savait bien que Paul n’a­vait rien fait qui méri­tât un châ­ti­ment ; mais, en le relâ­chant, le Romain redou­tait de pro­vo­quer de nou­veau des bagarres. Et le temps passait.

Saint Paul devant le Procurateur de Césarée - récit tiré des évangiles

Alors Paul déci­da d’employer un grand moyen. Tous les citoyens romains avaient le droit abso­lu, quand ils étaient arrê­tés, de faire appel à l’Em­pe­reur. En ce cas, ils devaient immé­dia­te­ment être tra­duits devant des tri­bu­naux spé­ciaux, nom­més pour exa­mi­ner de tels cas. C’é­tait « l’ap­pel à César ». Un jour donc, Paul deman­da à être conduit devant le Pro­cu­ra­teur, et lui dit :

— J’en appelle à César !

— Tu en as appe­lé à César, tu seras conduit à César.

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Saint Paul, aven­tu­rier de Dieu .

Temps de lec­ture : 14 minutes

VIII. A LA CONQUÊTE DE L’EUROPE

Ce fut donc par la Macé­doine que le grand entra en Europe. La pre­mière ville où il ensei­gna le Christ fut Phi­lippes. A la façon des phi­lo­sophes grecs, il s’ins­tal­la sur les bords de la rivière et se mit à par­ler à tous les pas­sants, répon­dant à toutes leurs ques­tions. Des femmes, conver­ties par lui, lui offrirent une hos­pi­ta­li­té géné­reuse. Et Paul com­men­çait peut-être à se dire que conqué­rir l’Eu­rope à l’É­van­gile était beau­coup moins dif­fi­cile qu’il ne croyait, quand un inci­dent, mi-bur­lesque, mi-dra­ma­tique, mit sou­dain fin à cette confiance.

Un jour que les Apôtres s’en allaient à leur endroit habi­tuel pour par­ler, une femme se mit à pous­ser des cris. Était-ce une folle ? Pas tel­le­ment, car ce qu’elle criait était fort juste : « Ces hommes sont vrai­ment envoyés par le Ciel : ce qu’ils enseignent est le salut ! » Mais il est facile de com­prendre que Paul ne tenait pas tel­le­ment à ce qu’on le signa­lât ain­si à l’at­ten­tion des auto­ri­tés, sur­tout par la voix d’une détra­quée. Il devi­na, d’un coup, que dans cette jeune esclave se cachait un redou­table démon, qui la fai­sait crier ain­si pour les faire connaître et les perdre. S’ar­rê­tant donc, il cria :

— Démon, sors aus­si­tôt de cette femme ! Je te le com­mande au nom de Jésus-Christ !

A l’ins­tant même, la femme rede­vint tout à fait nor­male : le démon l’a­vait quit­té. Mais qui fut très mécon­tent ? Le patron de cette jeune esclave. Tant qu’elle était à demi-folle, il lui fai­sait racon­ter aux badauds la bonne aven­ture, expli­quer leurs songes. Et cela lui rap­por­tait beau­coup. Furieux, il alla dénon­cer Paul et les siens. Et voi­là nos mis­sion­naires jetés en pri­son non sans avoir été sérieu­se­ment ros­sés. Mais au milieu de la nuit, la ville entière est secouée par un trem­ble­ment de terre d’une vio­lence extrême. Les portes du cachot s’ef­fondrent : Paul est libre ! Lui et ses com­pa­gnons par­tirent de Phi­lippes avec toutes sortes d’é­gards, et les excuses des autorités !

Saint Paul libéré par un tremblement de terre à Philippes - récit pour les petitsIl n’en fut point par­tout de façon aus­si agréable. Bien au contraire ! En com­bien de lieux, les mêmes ennuis qui avaient obli­gé l’a­pôtre à quit­ter pré­ci­pi­tam­ment les villes d’A­sie Mineure, se repro­dui­sirent en Grèce… Les Juifs, — il y en avait par­tout, — dès que les chré­tiens com­men­çaient à par­ler, orga­ni­saient des mani­fes­ta­tions, les dénon­çaient aux magis­trats et les contrai­gnaient ain­si à reprendre au plus vite leur route. A Thes­sa­lo­nique, le port de la Macé­doine, un cer­tain Jason, qui bra­ve­ment avait pris le par­ti des chré­tiens, faillit payer fort cher son dévoue­ment à la bonne cause. Mais, mal­gré ces résis­tances et ces dif­fi­cul­tés, Paul conti­nuait son œuvre ; par­tout où il pas­sait des com­mu­nau­tés nais­saient, de fidèles du Christ, déci­dés à vivre selon ses com­man­de­ments et à répandre ensuite son mes­sage dans toute la contrée.

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Saint Paul, aven­tu­rier de Dieu .

Temps de lec­ture : 17 minutes

IV. LE CHRIST EST VENU POUR TOUS

Être le témoin du Christ est chose dif­fi­cile et dan­ge­reuse. Saül allait en faire bien­tôt l’ex­pé­rience. Quand il revint à , il y trou­va la situa­tion très mau­vaise pour les fidèles. Les juifs avaient obte­nu des auto­ri­tés arabes, de qui dépen­dait la ville, qu’elles missent fin à leur pro­pa­gande. Et quand le gou­ver­neur apprit que Saül recom­men­çait à par­ler du Christ dans les rues, il déci­da de le faire arrê­ter. Mais Saül l’ap­prit et il s’enfuit.

Saint Paul s'enfuit de Damas dans un panierSon éva­sion de Damas fut extrê­me­ment pit­to­resque. La grande ville était tout entière cein­tu­rée de hauts murs, per­cés de portes for­ti­fiées, gar­dées avec soin. Com­ment déjouer cette sur­veillance ? Heu­reu­se­ment, par­mi les amis de Saül, il y en avait un dont la mai­son, construite sur le rem­part, avait un bal­con au-des­sus du vide. On fit asseoir Saül, qui était de petite taille, dans un de ces larges paniers dont on se ser­vait au mar­ché pour appor­ter les pois­sons ou les légumes. Le panier fut atta­ché à une corde et glis­sa le long de la muraille avec son pré­cieux paquet ! Saül trou­vait cela peu glo­rieux, mais il était libre.

Après cette fuite mou­ve­men­tée, l’é­va­dé se deman­da où il irait. Il pen­sa à Jéru­sa­lem ; c’é­tait évi­dem­ment dan­ge­reux, car il ris­quait fort, dans la Ville Sainte, de tom­ber sur un de ses anciens amis Pha­ri­siens qui le consi­dé­re­rait comme un traître et le ferait arrê­ter. Mais Saül, s’il vou­lait vrai­ment se consa­crer au ser­vice du Christ, devait prendre contact avec les Apôtres, ceux que Jésus lui-même avait char­gés d’é­van­gé­li­ser le monde en son nom.

A Jéru­sa­lem, il fut tout d’a­bord fort mal reçu, aus­si mal qu’il l’a­vait été dans la com­mu­nau­té de Damas. Par­mi les fidèles du Christ, on avait gar­dé le sou­ve­nir du jeune fana­tique qui avait joué un rôle dans le mar­tyre d’É­tienne. Les Apôtres com­men­cèrent par s’ar­ran­ger pour ne pas le voir. Cette his­toire d’ap­pa­ri­tion, d’a­veu­gle­ment et de vue retrou­vée sem­blait incroyable.

Heu­reu­se­ment, par­mi la petite troupe d’a­mis qui entou­raient les Apôtres, se trou­vait un homme de grande sagesse : Bar­na­bé. Au cours d’un voyage, il était pas­sé par Damas, et il y avait enten­du racon­ter ce qui concer­nait Saül. Il put donc assu­rer que tout était vrai de l’é­ton­nante his­toire, et que l’an­cien per­sé­cu­teur avait cou­ra­geu­se­ment don­né témoi­gnage au Christ dans la ville syrienne. Ain­si Saül fut-il admis dans la com­mu­nau­té des fidèles et vit-il les Apôtres. Ce fut alors que se posa une grave ques­tion. Le Sei­gneur, avant de remon­ter auprès du Père, a dit à ses dis­ciples : « Allez et évan­gé­li­sez tous les Peuples ! » Mais, pour les Apôtres, il était très dif­fi­cile d’o­béir à cet ordre. C’é­taient des petites gens de Pales­tine, des ouvriers, des pêcheurs. Ils n’é­taient jamais sor­tis de leur pays et, pour la plu­part, ne devaient pas par­ler le grec, la langue usuelle d’a­lors. Com­ment feraient-ils pour s’en aller dans de loin­tains pays ensei­gner la doc­trine du Maître ? Aus­si cer­tains d’entre eux se disaient-ils : « Com­men­çons par prê­cher l’É­van­gile par­mi nos frères de race. Fai­sons-leur com­prendre que Jésus est le Messie… »

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Saint Paul, aven­tu­rier de Dieu .

Temps de lec­ture : 15 minutes

I. LA PISTE DU DÉSERT.

C’é­tait un jour d’é­té, aux abords de midi. Sur la piste sablon­neuse qui menait à , une petite cara­vane se hâtait : quelques gardes, deux ou trois secré­taires, accom­pa­gnant un jeune homme de peu de mine, à qui, cepen­dant, tous mar­quaient beau­coup de res­pect. A leur cos­tume, à leur lan­gage, on recon­nais­sait des Israé­lites, et le petit homme roux appar­te­nait à la classe des « Doc­teurs de la Loi », qui ensei­gnaient la reli­gion. Tous sem­blaient pres­sés d’ar­ri­ver à la capi­tale syrienne. De temps en temps, le petit homme par­lait à ses com­pa­gnons de voyage, et l’on sen­tait, à l’en­tendre, qu’il était pos­sé­dé d’une étrange fureur.

Saint Paul sur le chemin de Damas

Cette scène se pas­sait en l’an­née 36 de notre ère. Trois ans plus tôt, à Jéru­sa­lem, sur le Gol­go­tha, un homme était mort, cru­ci­fié entre deux ban­dits. On l’ap­pe­lait Jésus de Naza­reth. Pen­dant plus de trente mois, il avait par­lé à des foules, ensei­gnant une doc­trine d’a­mour, de misé­ri­corde, gué­ris­sant les malades, fai­sant de grands miracles, et par­mi ceux qui l’a­vaient accom­pa­gné, beau­coup avaient pro­cla­mé qu’il était le Mes­sie, le Dieu fait homme, et que ce serait lui le Sau­veur d’Is­raël. Or, c’é­tait cela que ne vou­laient pas admettre les Princes du Peuple Juif et les prêtres : qu’un homme sor­ti de rien, fils d’un char­pen­tier de Naza­reth, fût vrai­ment le Porte-Parole du salut, non, non, cela ne leur parais­sait pas pos­sible. Et puis, que devien­draient-ils, eux, si ce Jésus et sa bande triom­phaient ? Et c’é­tait pour­quoi un com­plot avait été mon­té ; des pièges avaient été ten­dus au soi-disant Mes­sie ; un traître même avait été payé pour qu’il le fît arrê­ter. Condam­né par les prêtres, on avait bien vu que ce Jésus n’é­tait pas le Mes­sie ! Il était mort sur la croix comme un mal­fai­teur, et les siens n’a­vaient même pas levé un doigt pour le sauver.

Et, cepen­dant, un bruit étrange s’é­tait répan­du dans tout Jéru­sa­lem. Les dis­ciples de Jésus avaient pro­cla­mé que, trois jours après sa mort, il était res­sus­ci­té ! Le tom­beau où l’on avait pla­cé son corps avait été trou­vé vide. Qua­rante jours de suite, cer­tains l’a­vaient vu paraître, et non pas un seul, mais des dizaines, des cen­taines peut-être ; l’un de ses anciens dis­ciples l’a­vait même tou­ché ! Du coup, rele­vant la tête, ses par­ti­sans se répan­daient sur les places, triom­phants. Si Jésus était res­sus­ci­té, alors tout ce qu’il avait dit était vrai ; il était réel­le­ment le Christ, le Dieu fait homme. Les Princes du Peuple et les prêtres avaient com­mis un crime abo­mi­nable, en le condam­nant à mort. Il fal­lait répé­ter son mes­sage au monde. Et, ain­si, des noyaux de fidèles de Jésus se consti­tuaient dans la Pales­tine et même au dehors.