Catégorie : <span>Le Courrier des Croisés</span>

| Ouvrage : Le Courrier des Croisés .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Franz Stock (1904 – 1948)

Par M‑M T‑D

« La cap­ti­vi­té est une phase dou­lou­reuse dans une vie d’homme. Mais, aux prises avec la souf­france, l’homme recon­naît sa vraie des­ti­née quand, arri­vé à la limite de ses forces phy­siques, il lève les mains et les yeux vers le Ciel. Cela le libère. Et tel est bien le sens pro­fond de la liber­té humaine : se libé­rer du ter­restre et s’en remettre à celui qui est toute Grandeur ».

Famille, Franz Stock est l'aîné est né le 21 sep­tembre 1904 à Neheim en West­pha­lie, belle région d’ cou­verte de forêts et de rivières, fils aîné de neuf enfants dont trois mou­rurent très jeunes. Son père tra­vaille comme ouvrier dans une usine d’ac­ces­soires de chaus­sures ; sa mère, active et dyna­mique, mène la mai­son­née avec entrain et bonne humeur.

La famille, se trou­vant trop à l’é­troit, vient à peine de s’ins­tal­ler dans une mai­son plus grande quand la éclate en 1914. Mobi­li­sé, M. Stock part à la guerre et Mme Stock a bien du mal à faire face à toutes les dépenses. Franz et son frère Jean tressent des paniers en osier, qu’ils vont ensuite vendre dans les vil­lages ou qu’ils échangent contre des provisions.

À onze ans, Franz fait sa pre­mière com­mu­nion à la paroisse Saint-Jean-Bap­tiste où il est enfant de chœur ; déjà, il se sent appe­lé au sacerdoce.

Deve­nu ado­les­cent, il est confié au Quick­born (« source vive »), un mou­ve­ment de jeunes, où il déve­loppe son attrait pour le chant, la nature et la marche à pied.

Ce mou­ve­ment œuvre éga­le­ment pour la récon­ci­lia­tion de l’Al­le­magne et de la sur la base de l’hé­ri­tage chré­tien qui leur est com­mun. Franz lit l’en­cy­clique de Benoît XV sur la paix (Pacem Dei, 1920) et il veut la vivre ; ce qui signi­fie, pour lui, non seule­ment de ne pas détes­ter les enne­mis, mais aus­si de leur faire du bien. Toute sa vie, son désir le plus cher, sera de récon­ci­lier son pays natal, l’Al­le­magne, avec celui vers lequel il se sent irré­sis­ti­ble­ment atti­ré, la France.

Juste après l’ob­ten­tion de son bac­ca­lau­réat en 1926, Franz entre au de Pader­born. Après deux séjours d’é­té, en 1926 et 1927, dans une famille à Tulle, en Cor­rèze, et plu­sieurs esca­pades en Bre­tagne, près de Pont-Aven dont il aime l’é­cole de pein­ture, le jeune Alle­mand demande à pour­suivre ses études de théo­lo­gie pen­dant trois semestres au sémi­naire des Carmes de Paris que dirige le futur car­di­nal Ver­dier. Un choix rare pour un alle­mand en cette période d’entre-deux-guerres. Il est le pre­mier étu­diant alle­mand au sémi­naire des Carmes depuis la guerre. La vie de Franz Stock est désor­mais indis­so­lu­ble­ment liée à son pays d’adoption.

Il reçoit le sous-dia­co­nat le 15 mars 1931. Avant sa retraite de pré­pa­ra­tion, il écrit à ses parents : […] Ces jours-ci, je fais le pas déci­sif vers le sacer­doce. Je suis conscient de toute ma fai­blesse et pour­tant j’ai grande confiance en Celui qui nous for­ti­fie et autant que je pour­rai, je me mon­tre­rai digne de Lui. Car tout au long de ma for­ma­tion, à n’en pas dou­ter, la Pro­vi­dence de Dieu m’a conduit, depuis le jour où pour la pre­mière fois, j’ai son­gé à deve­nir prêtre, jusqu’aujourd’hui.

Auteur : Aurac, Georges d’ | Ouvrage : Le Courrier des Croisés .

Temps de lec­ture : 9 minutesLe jour de sa vêture, elle avait reçu le nom de Sœur Saint-Joseph. Avec les années, elle s’é­tait tel­le­ment rata­ti­née qu’on ne l’ap­pe­lait plus que la « petite Sœur » ! Le nom de son grand Patron s’é­tait éva­noui ! Non pas qu’il fût trop long à pro­non­cer, mais parce que l’ex-pres­sion de « petite Sœur » suf­fi­sait lar­ge­ment à la dési­gner. Et puis a l’ha­bi­tude de s’é­clip­ser, quand il a rem­pli son rôle, et de lais­ser seule­ment dans les âmes l’a­mour de la vie cachée.

Toute menue dans son ample habit aux plis innom­brables, la tête empri­son­née dans un voile blanc qui enca­drait son fin visage, la « petite Sœur » était la pro­vi­dence des mar­mots, dans un vil­lage d’Au­vergne où ses supé­rieures l’a­vaient envoyée.

Religieuse enseignant la lecture aux enfants

Dès l’âge de cinq à six ans, les enfants se diri­geaient à petits pas vers le vieux couvent où la petite Sœur les accueillait d’un sou­rire. Ce sou­rire était leur coque­luche ! Les tout-petits le regar­daient béa­te­ment, comme si c’é­tait un sou­rire de para­dis qu’ils se sou­ve­naient d’a­voir vu dans leurs pre­miers rêves. Ils sou­riaient, eux-aus­si, prêts à toutes les sagesses, pour que le sou­rire de la petite Sœur res­tât long­temps en place.

On ne voyait pas les oreilles de la petite Sœur. C’é­tait le seul mys­tère qui ren­dît per­plexes les admi­ra­teurs du sou­rire. L’un d’eux se hasar­da un jour à poser tout haut la ques­tion qui les han­tait tous.

— Dites ! Ma Sœur, vous n’a­vez pas d’o­reilles… Com­ment que vous entendez ? 

— Mes oreilles ? Elles sont là ! dit la petite Sœur en déga­geant son voile. Et elles sont bonnes !

— Et pour­quoi que vous les cachez ? Nous, on les a bien dehors !

— Ah ! Mes enfants, je les cache pour qu’elles res­tent bien petites et qu’elles n’en­tendent que les choses qui en valent la peine… Vous com­pren­drez plus tard. Allons ! Venez autour de moi, vous allez lire.

Et les têtes blondes ou brunes se cour­baient tout autour de la petite Sœur, dont les genoux sup­por­taient le livre aux grandes lettres noires.

Depuis long­temps, la petite Sœur cares­sait un rêve, un rêve si beau qu’elle s’é­ton­nait elle-même de l’a­voir, et qui la sui­vait par­tout ; à la messe, au réfec­toire ; mais c’é­tait sur­tout en classe qu’il la tra­cas­sait, quand son regard errait sur les têtes blondes ou brunes, comme un souffle léger qui passe sur des épis mûris­sants. Elle son­geait alors à la mois­son qui lève au soleil. Et la mois­son lui sug­gé­rait l’i­dée du mois­son­neur qui se penche sur les épis et rentre le soir, joyeux, en por­tant les lourdes gerbes. Ce spec­tacle lui rap­pe­lait, à son tour, la parole de Jésus : « La mois­son est abon­dante ; les ouvriers sont peu nom­breux ; priez le maître de la mois­son qu’il envoie des ouvriers à son champ. »

Et le rêve de la petite Sœur pre­nait corps. Elle en deve­nait toute rou­gis­sante. Elle en per­dait même le fil de la lecture.

Son rêve ! C’é­tait que l’un de ces enfants aux­quels elle appre­nait à lire devînt prêtre et qu’elle y fût pour quelque chose.

— Tu t’es trom­pé, Pierre. C’est B‑A, BA qu’il faut lire ; alors ! recom­mence, mon petit.

Et les bam­bins s’é­ton­naient de sa voix si douce, alors qu’une juste impa­tience poin­tait d’or­di­naire dans ses paroles, aux erreurs de lec­teur. Et ils levaient les yeux sur la petite Sœur, car ils savaient que c’é­tait dans ces moments-là que le plus déli­cieux sou­rire ani­mait son visage.

| Ouvrage : Le Courrier des Croisés .

Temps de lec­ture : 9 minutes- Oh ! Bon­jour, chère amie ! Comme je suis contente de vous ren­con­trer ! Com­ment allez-vous ?

- Beau­coup mieux que les jours pré­cé­dents ! Le doc­teur de Révot m’a don­né un remède for­mi­dable. Mes maux de tête ont dis­pa­ru, comme par enchan­te­ment ! Me voi­là en pleine forme !

- Quelle mer­veilleuse nou­velle ! J’ai bien regret­té votre absence, l’autre jour, au dîner orga­ni­sé par la famille Pagé.

La vie des saints racontée au catéchisme - Saint Louis de Monfort- Com­ment donc c’est pas­sé cette fameuse soirée ?

- Ma foi, je n’ai pas fort appré­cié la fête. Figu­rez-vous que made­moi­selle Pagé et plu­sieurs de ses amis en sont venus à par­ler du brave Mon­sieur de Mont­fort. Sans aucune cha­ri­té, ils se sont mis à le cri­ti­quer, à le ridiculiser…

- Com­ment ? Ils se sont moqué d’un prêtre si dévot ? Mais pour quel motif ?

- Oh ! Ce n’est pas com­pli­qué ! Vous savez comme moi, le bien que fait ce saint prêtre dans toute la région. Il secoue tel­le­ment les âmes que beau­coup se conver­tissent et changent de vie. Il n’a pas peur de dire les choses.

Der­niè­re­ment, il a même osé cri­ti­quer la toi­lette d’une jeune demoi­selle en plein ser­mon. La mère de celle-ci était tel­le­ment furieuse que lorsque le bon père est sor­ti de l’église, la dame, en furie, s’est jeté sur lui et lui a don­né plu­sieurs coups de canne. Le bon Mon­sieur de Mont­fort n’a même pas essayé de se défendre, il a sim­ple­ment atten­du que la tem­pête se calme. Puis il a dit, avec beau­coup de dou­ceur : « Madame, j’ai fait mon devoir ; il fal­lait que votre fille fasse le sien ! ». Je pense que les solides leçons de ce saint homme dérange la men­ta­li­té de made­moi­selle Pagé et de ses amis !

- C’est évident ! Pour­tant tout ce que l’on raconte sur Mon­sieur de Mont­fort devrait les faire réflé­chir ! Pour moi, mon opi­nion est faite, c’est un saint ! Il suf­fit de suivre une de ses mis­sions pour en être convain­cue ! Vous sou­ve­nez-vous de celle qu’il a prê­ché dans l’église des domi­ni­cains l’an dernier ?

évangélisation des enfants : Saint Louis-Marie Grignon de Monfort et le Saint-Sacrement- Oh oui ! Pour rien au monde je ne l’aurai man­qué ! L’église était bon­dée, nous étions bien trois mille femmes à l’écouter… Je ne peux oublier la façon dont il nous par­la du rosaire ! Et son amour pour Notre-Dame…

- Vous a‑t-on racon­té dans quelle cir­cons­tance le bon père Gri­gnion de Mont­fort a pu prê­cher une mis­sion sur l’île d’Yeu, dernièrement ?

- Non ! Racon­tez moi…

-Eh bien, voi­ci ce qu’un ami de mon frère, marin de Saint-Gilles, nous a racon­té… Écou­tez-moi, c’est assez édifiant…

Mon­sieur de Mont­fort avait déci­dé de par­tir évan­gé­li­ser l’île d’Yeu. La chose était périlleuse car des cor­saires anglais, en ce début d’année 1712, infes­taient les parages. Arri­vé aux Sables‑d’Olonne, le mis­sion­naire cher­cha un patron de cha­loupe prêt à le mener sur l’île. Per­sonne ne vou­lut l’y conduire. Mais cela ne le décou­ra­gea nul­le­ment. Il prit le che­min d’un autre port bre­ton : Saint-Gilles. Là aus­si, les mate­lots refu­sèrent de le pas­ser. Le prêtre ne se tint pas pour vain­cu. Avant repar­tir vers La Rochelle, il pria avec grande fer­veur le rosaire, puis fit une der­nière ten­ta­tive. Il retour­na voir le patron de la plus grande cha­loupe du port, lui pro­mit, au nom du Ciel, que le voyage se pas­se­rait sans pro­blème puis le sup­plia tel­le­ment que le brave capi­taine finit pas accepter.