Tandis que le tam-tam résonne sur la place du village, accompagnant la danse des Noirs, Boga contemple une petite rondelle de métal que le Père lui a donnée ce matin.
Les nègres peuvent s’agiter et mener leur ronde infernale autour du grand feu de bois, il n’y attache aucune importance ; toute son attention est fixée sur la petite médaille blanche.
Soudain, derrière lui, quelqu’un a surgi, curieux.
« Qu’est-ce que tu tiens donc de si précieux ? »
Boga se retourne inquiet et son visage s’éclaire en reconnaissant son camarade Kéké.
« Tu vois, quand tu seras baptisé le Père te donnera une belle médaille comme cela. »
Kéké pousse un grand soupir :
« Tu sais bien que mes parents ne voudraient jamais me laisser suivre les instructions du Père. Et puis M’goo l’a dit, M’goo le féticheur l’a dit : Tous ceux que le Père fait chrétiens deviennent des jeteurs de sort !
— Voyons, comment peux-tu croire de telles histoires ; c’est que M’goo a peur que le Père lui ravisse son influence.
— Tais-toi, Boga, si le féticheur t’entendait ! »
Au même instant, un bruit de clochettes se fait entendre et une silhouette apparaît. L’homme, qui dans chaque main agite un sistre, pousse des cris stridents.
Boga, indifférent, contemple la scène tandis que son ami se serre craintivement contre lui. M’goo est passé ; mais aurait-il entendu les paroles de Boga ? Le voilà qui se retourne et ricane effroyablement, et ses yeux fixent avec une joie cruelle Boga qui, à son tour, plonge ses prunelles claires dans celles du féticheur.
Quelques jours plus tard, Ako, la sœur de Kéké, attend Boga sur le chemin de la mission ; dès qu’elle le voit, elle court vers lui.
« Qu’y a‑t-il ? »
La fillette éclate en sanglots.