La campagne était toute de neige autour du bourg de Bethléem, et les cubes blancs des maisons prenaient des teintes laiteuses parmi cette surnaturelle pureté.
Le ciel bombait au-dessus, comme un grand bocal d’un bleu pâle et translucide. Il y avait dans l’air une joie paisible comme si des anges venaient d’y passer.
À la vérité, des anges l’avaient traversé la nuit précédente. Jésus étant né, cette nuit-là, dans une grotte des environs, ils avaient chanté, devant un groupe de bergers d’abord, au-dessus de la grotte ensuite, un beau chœur à plusieurs voix dont le refrain est demeuré célèbre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté. »
La nouvelle du miracle s’était répandue dans les maisons du bourg, et circulait sous le manteau, accueillie ici avec joie, là par des haussements d’épaules.
La fin de la classe du matin venait de lâcher les enfants dans les rues. Sur la placette, autour de la fontaine, beaucoup s’attardaient à bavarder, en petits groupes mystérieux et animés. La glissoire en pente luisait comme un marbre sombre, délaissée.
— Bien sûr que c’est vrai ! dit un gamin dont les yeux noirs étincelaient d’enthousiasme. Le père de Lévi doit le savoir, je suppose, puisqu’il y était !
— Mon père ne veut pas y croire, répliqua sans conviction un enfant mieux vêtu que les autres. Mon père est savant. Il doit avoir ses raisons. Mais j’aimerais mieux que ce soit vrai.
— Tiens ! intervint un troisième, pourquoi ne serait-ce pas vrai ? Ils étaient huit à aller à la grotte cette nuit, et tous racontent la même chose. Ils ont vu un ange, je vous dis, ils ont entendu le chant, ils ont vu l’Enfant et sa Mère.
— Mon père prétend que le Messie sera un Roi, objecta un autre. Alors, cet enfant pauvre ?…
— Oui, mais ces anges ? Est-ce qu’ils viennent chanter autour de notre maison, quand nous recevons un petit frère ou une petite sœur ?