Commémoration des défunts

Des histoires pour le mois novembre, la Commémoration des fidèles défunts et les âmes du Purgatoire.

Ayant pour thèmes : Com­mé­mo­ra­tion des défunts, Pur­ga­toire, Via­tique, Mort, Bonne mort, Extrême-Onc­tion, Mort pour la France

La visite du charpentier

La visite du charpentier
Alors ? Votre voi­sin, l’pé Joseph, com­ment va-t-il, Madame Grin­cette ? — Il baisse… il baisse… A mon avis, il baisse de plus en plus, ma pauvre amie… Je ne crois pas qu’il reprenne jamais son rabot, à moins que ce ne soit pour faire son propre cer­cueil ! — Le failli homme… Il ne lais­se­ra point de regrets… un mécréant… un mal com­mode… — Jamais les pieds à l’église… — Ah ! si… par­don, le jour de la saint Joseph… il allait mettre un bou­quet de fleurs à la sta­tue. — Et vous croyez que le bon Dieu en était flat­té ?… Qu’il ne Le priait seule­ment pas ! » Tan­dis que, sur la place, les deux com­mères fai­saient son pro­cès, le père Joseph, seul, dans son fau­teuil, sou­pi­rait. Une seule pièce lui ser­vait à la fois de chambre, de cui­sine et d’a­te­lier… Le bois brut et les outils voi­si­naient avec les meubles, et cela fai­sait un bizarre décor. Mais en vain le chêne et le sapin déga­­geaient-ils leur âcre par­fum, le vieux …
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Comment elles meurent

Comment elles meurent
Tu te sou­viens, ma cou­sine, de cette soi­rée d’é­té où tu nous racon­tas les der­niers moments de ta com­pagne ? Je tâche­rai seule­ment de me rap­pe­ler tes paroles et de ne pas te tra­hir en les rap­por­tant. Aus­si bien est-ce une his­toire bien simple que je vais vous racon­ter et vous racon­ter sim­ple­ment. À quoi bon faire des phrases pour dire des choses qui furent aus­si claires que le jour, aus­si lim­pides que l’air ? La recherche est bonne pour ceux qui fabriquent les âmes des héros et des héroïnes de romans. Les enfants de lumière vivent dans la pure véri­té de Dieu. Il suf­fit de par­ler comme ils ont vécu. Elle nous était venue bien malade, notre pauvre sœur Marthe ; bien malade, et, du pre­mier coup d’œil, nous nous étions dit : « elle est per­due ». Mais sait-on jamais avec les êtres jeunes ? Il y a en eux de telles réserves, de telles res­sources, de telles envies de vivre aus­si, qu’ils se rac­crochent à l’exis­tence et …
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La première et la dernière communion de Léon

La première et la dernière communion de Léon
Tan­dis que M. le Régent est en conver­sa­tion avec le nou­veau Vicaire, les gar­çons de la deuxième classe se demandent s’il sera sévère ou indul­gent, s’il don­ne­ra beau­coup ou peu de devoirs, et sur­tout, s’il racon­te­ra des his­toires ? Tout en lui remet­tant la liste des élèves, M. le Régent explique : « Il y en a 43. C’est beau­coup ! Mais je suis per­sua­dé que tous vous feront plai­sir, car ils tra­vaillent bien, et ne sont pas méchants. Il y a Léon, avec qui il fau­dra de la patience, car il est très lent à com­prendre, encore plus lent à apprendre. Par­fois, mal­gré sa bonne volon­té, il n’ar­rive pas à savoir sa leçon. Le pauvre gar­çon souffre des suites d’une chute très grave alors que tout petit, sa maman tra­vaillant à la fabrique, il res­tait seul à la mai­son. » Après cette expli­ca­tion, M. le Régent intro­duit le nou­veau vicaire. 43 gar­çons se lèvent et saluent joyeu­se­ment : « Bon­jour M. le Vicaire », tout en ins­pec­tant de haut …
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Le bâton de Saint Joseph (Légende bretonne)

Le bâton de Saint Joseph (Légende bretonne)
La vieille Yvonne s’as­sit un jour près de son rouet et nous dit : — Oui, mes enfants, le plus grand des saints du para­dis, c’est saint Joseph. Écou­tez bien ce que je vais vous racon­ter, et vous ver­rez si je vous ai men­ti. Nous nous appro­châmes plus près encore de mère Yvonne, et elle com­men­ça : « Per­sonne n’ai­mait Joseph Mahec, dans le pays de Ker­véh qu’il habi­tait ; aus­si vivait-il soli­taire dans une cabane déla­brée. On disait que le soleil lui-même avait tel­le­ment en hor­reur Joseph Mahec, que jamais il ne pro­je­tait ses joyeux rayons sur sa mai­son­nette enfu­mée ! Un soir de mars où Joseph Mahec allait péné­trer dans sa cabane, il se sen­tit tirer légè­re­ment par le pan de son habit. Il se retour­na sur­pris, presque en colère, car il n’é­tait point accou­tu­mé à ces manières. On le fuyait, mais on ne le tou­chait pas. Der­rière lui était un vieillard cour­bé sous le poids des années et de la misère. Des che­veux blancs, une longue barbe, des …
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Le terrible Purgatoire

Le terrible Purgatoire
La sainte com­mu­nion secourt admi­ra­ble­ment les âmes du pur­ga­toire. Le véné­rable Louis de Blois rap­porte dans un de ses livres, qu’un dévot ser­vi­teur de Dieu fut visi­té par une âme du pur­ga­toire, qui lui fit voir tout ce qu’elle souf­frait. Elle était punie pour avoir reçu la sainte com­mu­nion avec tié­deur. En puni­tion, Dieu lui avait ména­gé le sup­plice d’un feu dévo­rant, qui la consu­mait. « Je vous conjure donc, dit-elle, vous qui avez été mon ami, de com­mu­nier pour moi avec toute la fer­veur dont vous êtes capable ; j’es­père que cela suf­fi­ra pour ma déli­vrance ». Celui-ci s’empressa de le faire. L’âme lui appa­rut de nou­veau, brillante d’un incom­pa­rable éclat, heu­reuse et pleine de recon­nais­sance. « Enfin, lui dit-elle, grâce à vous, je vois donc face à face mon ado­rable Maître », et elle s’en­vo­la au ciel. Saint Bona­ven­ture dit que la cha­ri­té devrait nous por­ter à com­mu­nier pour les défunts, parce qu’il n’y a rien de plus effi­cace pour leur repos éternel. …
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Le brigand de la forêt

Le brigand de la forêt
Extrême-Onc­tion « Ton père va mieux ? — Oui, il est reve­nu de l’hô­pi­tal. Même, il désire te voir, je venais te le dire. — Me voir ? Moi ?… Gui­laine est intri­guée. Que peut lui vou­loir le père de Colette ? Elle a peur aus­si de le voir encore dans le sang et avec des pan­se­ments, comme le jour de l’ac­ci­dent. Il y a trois semaines de cela, mais elle en est encore impres­sion­née. Elle jouait à la marelle, avec Josette. Elles enten­daient, sans y prendre garde, le toc-toc léger d’un mar­teau de cou­vreur sur les ardoises sonores. — Tiens ! dit Gui­laine, le père de Colette est sur le toit de votre grange. Elles le regar­dèrent une minute aller et venir sur le vieux toit, arra­chant ici un cous­sin de mousse, pous­sant là une ardoise… — Brr !… je n’ai­me­rais pas être à sa place… — Sur­tout sur le bord… Der­rière elles, une voix les fit sur­sau­ter : — S’il n’y avait que des as de votre trempe, il pleu­vrait sur votre lit, je pense ! Le fac­teur avait enten­du leurs dires et les …
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L’Extrême-Onction

L’Extrême-Onction
Cha­pitre XVI Ces cau­se­ries en plein air font le bon­heur de tous. Les gar­çons raf­folent de leurs pro­fes­seurs, qui, entre les leçons, orga­nisent des courses et des par­ties de bal­lon à en perdre la res­pi­ra­tion, comme dit un petit homme de huit ans. De plus, depuis quelques jours, le bourg est fort agi­té par une fête foraine qui bat son plein. Ber­nard a conduit « ses élèves » aux che­vaux de bois, non sans fier­té, car la dis­ci­pline obte­nue a été irré­pro­chable. Et le grand gar­çon s’enthousiasme lui-même de son suc­cès. Il se sent une irré­sis­tible voca­tion d’entraineur, et voit évo­luer en ima­gi­na­tion les équipes qu’il for­me­ra un jour. Qui donc pour­rait entra­ver ses pro­jets ! Sur les entre­faites, sa mère l’appelle un beau matin. — Veux-tu aller à L…, Ber­nard, nous ache­ter un tas de choses ? Nous n’avons plus de soie, plus de fil d’or, plus de papier doré, plus de colle pour les déco­ra­tions de l’église ; nous sommes à sec. Et puis, ton oncle vou­drait que tu passes chez le …
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Que ce calice…

Que ce calice...
Seule vivante en nous la dou­leur, la dou­leur être jailli de nous, plus vivante que nous, Mais image de Dieu, image de sa grâce, Et Dieu même dans notre chair… Dieu ron­geant notre chair, Comme sa grâce ronge l’âme. Le corps même a bu le Vin Nou­veau, a bu l’Esprit. Voi­ci les pos­sé­dés de Dieu, les corps fous comme des âmes, les corps dévo­rés de joie, torches de joie, gré­sillantes résines, les corps si pleins de Dieu qu’ils éclatent ! Quand il eut écrit ces lignes, Georges Le Noir se repo­sa. Et de fait, il avait besoin de se repo­ser. Il devait se repo­ser. Rien ne coûte tant que le tra­vail intel­lec­tuel ! O Forts, qui col­ti­nez, mar­chant à petits pas, des tonnes et des tonnes ; labou­reurs aux mains cal­leuses, qui pous­sez la char­rue et la tenez droite au sillon ; for­ge­rons, qui levez la masse énorme au-des­­sus de l’en­clume, par­mi le jaillis­se­ment des étin­celles blanches, vous igno­rez l’ef­fort et sa fatigue, vous ne savez rien du vrai tra­vail ! Georges Le Noir avait méri­té quelques …
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Le bouquet de Lucette

Le bouquet de Lucette
Le ciel est bas et gris. Bien­tôt, novembre sera là, et les grands arbres, déjà, perdent leur che­ve­lure d’or. Cinq heures sonnent len­te­ment au clo­cher de l’é­glise. La porte de l’école s’est ouverte ; on entend les rires des fillettes, clairs et joyeux en cette soi­rée d’au­tomne. Quelques bavar­dages encore… puis tout le monde se dis­perse ; les unes vont à la lai­te­rie, les autres rentrent vite chez elles où les attendent quelques leçons à apprendre. Dans un petit groupe d’é­co­lières qui prennent ensemble le che­min du retour, Lucette s’avance avec ses amies Renée et Marie-Thé­­rèse, dont les yeux rieurs et les joues rouges comme des pêches, contrastent avec son petit visage pâle où deux grands yeux gris semblent, aujourd’­hui, plus tristes qu’à l’habitude. Et, tan­dis que les sou­liers claquent gaî­ment sur les pavés, on parle de choses sérieuses. « Ils seront sûre­ment en fleurs pour la Tous­saint, dit Renée, tu as vu, avant-hier, comme les bou­tons étaient larges ? Eh bien, ils ont encore gros­si et ils vont …
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Un nouveau saint au paradis

Un nouveau saint au paradis
VI À la grille le doc­teur trou­va sa fille. Elle avait mis son man­teau. — Petit papa, emmène-moi ! — Com­ment ? Ne sor­­tez-vous pas avec maman ? — Nous allons aux vêpres, mais dans une heure seule­ment. Le père mit sa main sur l’é­paule de sa fille. Il n’a­jou­ta rien d’autre et ils s’en allèrent ensemble. Que c’é­tait long de mon­ter au cin­quième ! Mme Lebrun ouvrit la porte. — Je laisse, Madame, la petite sous votre garde. Il vaut mieux ne pas trop fati­guer le malade. La porte de la chambre se fer­ma der­rière papa. Mme Lebrun tâcha de diver­tir Jeanne comme elle put, mais la petite fille ne s’in­té­res­sait qu’à un seul sujet. — Par­­lez-moi, Madame, de Michel… — Petit encore, com­men­ça Mme Lebrun, et son visage sou­cieux se déri­da, il était déjà très bon. Je me rap­pelle que lui si déli­cat, tou­jours si pré­ve­nant, choi­sis­sait depuis quelque temps le plus gros mor­ceau de pain dans le panier lorsque nous étions à table. Il le choi­sis­sait et le pre­nait le pre­mier. — Pour­quoi ne le manges-tu pas ? lui …
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Une leçon de catéchisme

Une leçon de catéchisme
Le Père Midd­le­lon, au caté­chisme, avait par­lé avec dou­ceur et insis­tance de la misé­ri­corde de Dieu. 1l avait tout d’a­bord dit quelques mots sur la néces­si­té de la contri­tion puis il avait posé des ques­tions aux élèves afin de s’as­sure qu’ils avaient bien com­pris sa pen­sée. « Har­ry Quip, com­­men­­ça-t-il, répon­­dez-moi. Sup­po­sez mon ami, que vous êtes un grand pécheur : depuis que vous avez l’âge de rai­son, vous avez com­mis péché mor­tel sur péché mor­tel. Toutes vos fautes souillent encore votre âme, toutes vos confes­sions ont été mau­vaises, et vous appre­nez subi­te­ment que vous allez mou­rir, ici même, dans cette classe. Faut-il déses­pé­rer ? — Non, Père, répon­dit Har­ry. Je deman­de­rais à la Saint Vierge, notre Mère bénie, de m’ob­te­nir la grâce de faire un bon acte de contri­tion, et je me confes­se­rais, m’a­ban­don­nant dans les bras de la misé­ri­corde de Dieu. — Mais voi­ci, Car­mo­dy, conti­nua le pro­fes­seur, vous n’a­vez jamais fait une seule bonne action, et d’un autre côté, vous avez sur la conscience …
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Le sacrement qui guérit

Le sacrement qui guérit
L’extrême-onction C’é­tait à la san­glante bataille de la Mos­ko­wa, où Russes et Fran­çais s’é­taient bat­tus avec un achar­ne­ment farouche. Le géné­ral de Cau­lin­court venait d’en­le­ver les posi­tions enne­mies pour la troi­sième fois lorsque la cava­le­rie fran­çaise, ayant à sa tête le capi­taine Bakel, entra comme un oura­gan dans les murs de Boro­di­no. Les Russes la saluèrent par une ter­rible décharge d’ar­tille­rie. Le capi­taine Bakel, bles­sé à la jambe et à l’é­paule, tom­ba de che­val. Ses sol­dats le rele­vèrent et l’emportèrent aus­si­tôt au pas de course sous une pluie de balles. Peu à peu le silence se fit sur le champ de bataille… et le vaillant capi­taine, ouvrant les yeux, sou­rit en enten­dant le clai­ron fran­çais son­ner la vic­toire. « Nous sommes vain­queurs, mur­­mu­­ra-t-il… J’y comp­tais bien ! » Cepen­dant le chi­rur­gien man­dé en hâte auprès du bles­sé lais­sa pas­ser vingt-quatre heures avant de venir à son che­vet, tant sa tâche était immense. Comme le sang ne cou­lait plus le major put extraire assez facile­ment la balle …
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Le cortège de Jean-Paul

Le cortège de Jean-Paul
Extrême-onc­tion Il y avait du soleil plein le ciel, des chants d’oi­seaux plein le ver­ger. Et Jean-Paul chan­tait aus­si sa joie de vivre en cueillant à plein panier les cerises ruti­lantes du beau ceri­sier… Sou­dain, un cra­que­ment, un double cri : Jean-Paul tom­bait du ceri­sier sur la terre dure, et sa mère accou­rait, épou­van­tée. Ce fut aus­si­tôt un grand affai­re­ment : bran­card, coups de télé­phone, méde­cin… Et le ter­rible diag­nos­tic, cou­rant de bouche en bouche : « Il est per­du… il ne lui reste plus qu’une heure à vivre… » Pâle sur son lit, souf­frant atro­ce­ment, Jean-Paul sent bien lui aus­si que sa vie s’en va. Alors il appelle sa maman : — Je vais mou­rir, dit-il dou­ce­ment, mais il ne fau­dra pas pleu­rer : je vais au ciel. Puis il ajoute : — Les copains du « caté » vont sûre­ment venir avec Mon­sieur le Curé. Dis, tu les lais­se­ras entrer ? Les parents de Jean-Paul ne sont pas « gens à curé », comme ils disent. Mais refu­­se­­raient-ils une der­nière joie à leur enfant ? Jean-Paul, lui, attend. Car au caté­chisme, le jour où …
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Je me vengerai

Je me vengerai
Com­mé­mo­ra­tion des défunts Devant la porte de la salle de classe, les élèves s’apprêtent à entrer pour subir les épreuves du cer­ti­fi­cat. Un à un, on les appelle et ils vont s’installer au bureau que leur indique le sur­veillant. « Robert Lenoir… Ber­nard Ler­nier… » Robert, fur­ti­ve­ment, a glis­sé un coup d’œil à Ber­nard. Tous deux sont de la même école. Robert Lenoir, élève médiocre, peu scru­pu­leux, n’a pas tra­vaillé beau­coup durant l’année. C’est un bon cœur, mais, mal­heu­reu­se­ment, il lui a man­qué, dès son jeune âge, l’in­fluence d’une mère, morte lors­qu’il avait quatre ans. Il ne lui reste que sa grand-mère, qui l’aime beau­coup mais qui n’a sur lui aucune auto­ri­té, et son père, trop pris par les affaires, ne s’oc­cupe guère de lui. Ber­nard, au contraire, est tra­vailleur. Très ambi­tieux, il arrive tou­jours dans les pre­miers de sa classe. Aus­si, Robert se réjouit d’être pla­cé près de son cama­rade. * * * Les can­di­dats, après avoir ren­du leurs rédac­tions, com­mencent main­te­nant la com­po­si­tion de cal­cul. « Hem !… Ber­nard… » Ber­nard a levé la tête …
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En s’en revenant dans le sentier blanc

En s’en revenant dans le sentier blanc
Dans le sen­tier, blanc de givre, Jean rit tout seul : il se rap­pelle l’his­toire du cou­teau ! L’an der­nier, pen­dant sa rou­geole, il a deman­dé qu’on lui raconte une his­toire, et grand-père avait com­men­cé, sur un ton à faire fris­son­ner tous les braves : « C’é­tait le soir. À la lueur d’une chan­delle, un homme allait à pas de loup dans la mai­son… » Jean rete­nait son souffle : « Mon Dieu ! qu’al­lait-il adve­nir ? – Sou­dain, annon­ça grand-père avec un geste épou­van­table, il prit un grand cou­teau… » Ter­ri­fié, Jean dis­pa­rut sous ses cou­ver­tures… Et l’aïeul ache­va, après un petit silence : « …Il prit un grand cou­teau et… éten­dit du beurre sur son pain. » Quel fou rire, ce soir-là !… Et quel suc­cès lors­qu’il répé­ta l’his­toire à ses cama­rades ! Pauvre grand-père, si gen­til ! Il fabri­quait arba­lètes et cha­riots, et jamais ne se fâchait lorsque Jean avait cas­sé une roue ou per­du toutes ses flèches… Hélas ! grand-père n’est plus ici : voi­là trois semaines qu’il est par­ti chez le Bon Dieu. Jean ne met plus son pull rouge qu’il aimait bien ; Marie-Claire …
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Pierre, soldat de chez nous

Pierre, soldat de chez nous
Cha­ri­té envers Dieu Toute la jour­née le canon avait ton­né sans arrêt, les mitrailleuses n’avaient ces­sé de cré­pi­ter et les balles de sif­fler. Il flot­tait dans l’air une âcre odeur de poudre. Le sang avait cou­lé, hélas ! Et le soir tom­bait sur le champ de bataille comme un immense apai­se­ment. Pro­fi­tant de la trêve, des bran­car­diers pas­saient, ramas­sant les bles­sés d’abord, les morts ensuite. Mal­gré leurs mou­ve­ments pré­cau­tion­neux, ils arra­chaient des gémis­se­ments de dou­leur aux grands bles­sés qui gisaient sur le sol, fau­chés par la tour­mente. La nuit deve­nant dense, ils ne virent point un jeune sol­dat qui res­tait éten­du à la face de Dieu, comme disait Péguy, au milieu d’un champ de blé à demi rava­gé par la bataille. Au milieu des épis blonds cou­chés sur le sol, il était éten­du, sans connais­sance, un mince filet de sang cou­lant autour de sa tête dou­lou­reuse, de sa tête éner­gique de pay­san. Dans le ciel, les étoiles s’allumaient les unes après les autres, sem­blant veiller ce ter­rien de vingt …
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