Babouchka

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 6 minutes

russe

Conte de Noël russe - Babouchka et les rois magesIl était une fois une vieille femme nom­mée Babou­ch­ka qui habi­tait, seule, une toute petite mai­son au cœur de la forêt. Sans cesse, elle s’af­fai­rait, cou­sait, cui­si­nait, net­toyait et, tout en tra­vaillant, elle chan­tait. Pour se tenir com­pa­gnie, elle chan­tait des chan­sons, vieilles et nou­velles, et en inven­tait ; elle était de nature joyeuse. La grand-route pas­sait loin de la mai­son­nette si bien que les visi­teurs étaient rares.

Babou­ch­ka fut donc bien éton­née, un après-midi d’hi­ver, d’en­tendre un grand vacarme dans la forêt.

« C’est peut-être un ours » se dit-elle et elle se mit à trem­bler. Mais non, un ours ne fait pas cris­ser la neige sous ses pas de la sorte.

Elle ten­dit à nou­veau l’o­reille et enten­dit réson­ner des bruits de pas. Cette fois, c’é­tait sûr, elle allait avoir de la visite ! Elle s’empressa d’a­jou­ter quelques bûches et de mettre la grosse bouilloire noire sur le feu. Quelques ins­tants plus tard, on frap­pa fort à la porte. Babou­ch­ka sursauta :

— Qui est là ? deman­da-t-elle d’une petite voix craintive.

— Des voya­geurs éga­rés et épui­sés. Pou­vez-vous nous aider ?

— Mais bien sûr ! Entrez donc ! cria Babou­ch­ka et elle ouvrit grand la porte. Soyez les bien­ve­nus ! Venez vous réchauf­fer au coin de mon feu ! Il fait si froid dehors !

Un jeune homme entra, en sou­riant d’un air recon­nais­sant. Un second, plus âgé, le sui­vit, puis un troi­sième qui secoua de son man­teau une épaisse couche de neige. Tous trois étaient super­be­ment vêtus et le troi­sième por­tait aux oreilles des anneaux d’or étincelants.

Pen­dant que Babou­ch­ka fai­sait réchauf­fer une bonne soupe et cou­pait du pain, les voya­geurs lui racon­tèrent qu’ils étaient à la recherche d’un roi nouveau-né.

— Son étoile nous gui­dait, expli­quèrent-ils, mais le ciel est si char­gé de neige que nous ne la voyons plus.

— Ne vous inquié­tez pas, conti­nua la brave Babou­ch­ka. Lorsque vous serez res­tau­rés et repo­sés, je vous mon­tre­rai la route et vous n’au­rez pas besoin de suivre une étoile.

— Vous êtes très bonne, reprit le plus jeune, mais seule l’é­toile peut nous gui­der vers l’en­fant Jésus.

— Un enfant et une étoile ! Qu’est-ce que cela signi­fie ? s’ex­cla­ma Babou­ch­ka étonnée.

Les rois mages russesAlors, les trois hommes lui expli­quèrent que l’é­toile était un signe, celui de la nais­sance de l’En­fant, et ils lui mon­trèrent les riches pré­sents qu’ils lui appor­taient. Le cœur géné­reux de Babou­ch­ka se réjouit.

— Comme j’ai­me­rais voir cet enfant ! murmura-t-elle.

— Alors sui­vez-nous ! s’ex­cla­mèrent-ils, et aidez-nous à le chercher !

Mais Babou­ch­ka secoua tris­te­ment la tête :

— Hélas ! Je suis bien trop vieille et fati­guée pour entre­prendre un si long voyage ! dit-elle, et elle se mit à ser­vir la soupe. Lorsque les trois hommes furent ras­sa­siés et repo­sés, ils la remer­cièrent et reprirent leur route à tra­vers la forêt.

* * *

Après leur départ, la mai­son sem­bla bien vide à Babou­ch­ka qui ne ces­sait de mur­mu­rer en se balan­çant sur son fau­teuil à bas­cule : « J’ai­me­rais tant voir ce petit prince ! » Tout à coup, elle sau­ta sur ses pieds :

« Eh bien, je vais y aller ! Je vais le cher­cher avec eux… Et rien ne pour­ra m’ar­rê­ter. Foi de Babouchka ! »

En toute hâte, elle fit un petit bal­lot de ses vête­ments et ras­sem­bla ses plus grands tré­sors pour offrir à l’en­fant saint : un petit che­val de bois sculp­té, une vieille pou­pée, quelques pommes de pin déco­rées et de jolies plumes trou­vées dans la forêt. Le len­de­main matin de très bonne heure, emmi­tou­flée dans ses habits les plus chauds, elle quit­ta sa maisonnette.

Russie - Baboushka distribuant des cadeauxElle s’ef­for­ça de décou­vrir la direc­tion prise par les voya­geurs, mais la neige fraîche avait effa­cé les traces de leurs pas.

— Avez-vous vu trois rois pas­ser par là ? deman­da-t-elle a un paysan.

— Des rois ? Par un temps pareil ? Quelle ques­tion stu­pide ! s’es­claf­fa-t-il, et il s’é­loi­gna d’un pas lourd, l’air mécontent. 

Puis elle ren­con­tra un berger :

— Avez-vous vu une étoile res­plen­dis­sante ? deman­da-t-elle avec empressement.

— Des mil­liers et des mil­liers, ma pauvre femme, rica­na-t-il. Juste au-des­sus de votre tête. Toutes plus étin­ce­lantes les unes que les autres.

Un bou­vier vint à pas­ser, qui condui­sait un troupeau :

— Un enfant roi est-il né par ici, ces temps der­niers ? ques­tion­na Babouchka.

— Il y a beau­coup, beau­coup de nou­veau-nés par chez nous, mais aucun d’eux n’est roi, je vous l’as­sure, répli­qua le bou­vier. Alors elle conti­nua péni­ble­ment sa route, arrê­tant tous ceux qu’elle ren­con­trait pour deman­der : « Avez-vous vu l’en­fant Jésus ? » Mais nul ne put la renseigner.

Aujourd’­hui encore, Babou­ch­ka pour­suit sa quête ; elle par­court son pays à la recherche du jeune prince et, chaque fois qu’elle ren­contre un enfant mal­heu­reux, elle plonge la main dans son sac et y trouve tou­jours de modestes jouets pour lui offrir un ins­tant de bonheur.

Crèche russe - Matriochka

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