Aux Îles Gilbert, Noël au soleil…

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Récit d'un missionnaire d'Océanie pour les petits et le catéchisme

Aux Îles Gil­bert[1], le côté « carte pos­tale » de la fête de s’é­va­nouit, balayé par le souffle de l’a­li­zé[2] ; dépouillé d’un folk­lore par­fois super­flu, le mys­tère de la Nati­vi­té gagne en pro­fon­deur, serre de plus près les réa­li­tés du Salut. Nos Gil­ber­tins vivent leur Noël inten­sé­ment ; ils en font une mani­fes­ta­tion publique de foi ; on « va à Noël » dans nos îles, comme on va en pèle­ri­nage, se retrem­per dans la prière et la cha­ri­té, tous ensemble réunis pour une longue semaine à la sta­tion prin­ci­pale de la .

Récit pour les momes du catéchisme dans les missionsCet aspect com­mu­nau­taire de la fête n’est pas le moins frap­pant. A Abe­ma­ma, le Père char­gé de l’é­cole Mano­kou est aus­si curé de l’île. Le dimanche, il des­sert l’un ou l’autre des huit vil­lages répar­tis sur un crois­sant de terre de 34 kilo­mètres… Mais à Noël, les rôles sont inver­sés : les catho­liques se déplacent et viennent à lui.

* * *

Comme l’hi­ron­delle en avance sur le prin­temps, un pre­mier groupe s’est ins­tal­lé le 21 décembre dans la « manéa­pa », l’ins­ti­tu­tion gil­ber­tine par excel­lence, la mai­son « com­mune », le lieu obli­gé de toute réunion. Celle de Mano­kou est impo­sante : 900 m2 de sur­face habi­table sous un toit for­mé de dix mille feuilles de pan­da­nus… Le len­de­main et les jours sui­vants, nos pèle­rins affluent. Ils arrivent du Nord et du Sud, à pied, à vélo, en pirogue, ou sur le camion de l’île loué pour la cir­cons­tance. Dans un bric à brac invrai­sem­blable de nattes, paniers à pro­vi­sions, usten­siles de cui­sine, chaque vil­lage occupe la place qui lui est réser­vée. Il n’y a pas d’ânes et de cha­meaux alen­tour mais l’am­biance doit être celle d’un cara­van­sé­rail juif au temps de Notre Sei­gneur !… On pense à ces hommes, à ces femmes se ren­dant à Beth­léem pour le recensement.

La « manéa­pa » c’est l’hô­tel­le­rie où l’on fait halte pour la nuit, l’au­berge pleine les jours de fête et de ras­sem­ble­ment. Il y a deux mille ans, un couple de pauvres, Joseph et Marie, n’y trou­vèrent pas de place… D’autres auraient joué des coudes, se seraient impo­sés ; eux étaient effa­cés, un peu timides sans doute, et Jésus allait naître… Ils allèrent plus loin… Et Noël sera d’a­bord pour les autres.

* * *

A Mano­kou, le Christ va venir, mais on le retien­dra avant tout, on lui pré­pare une place dans son cœur. La veillée de Noël est calme, recueillie. Après une ondée bien­fai­sante, qui a mis fin à plus de trois mois de séche­resse, le ciel retrouve sa lim­pi­di­té. Nuit sereine… A peine, une brise légère et tiède berce la palme des coco­tiers. La mer est étale.

Et voi­là les lumières qui s’al­lument ; la cloche tinte : minuit approche. Nos gens revêtent leurs habits de fête. Sans trop de bous­cu­lade, les hommes du ser­vice d’ordre ras­semblent quelques sept cents per­sonnes autour de l’au­tel dres­sé au centre de la « manéa­pa »… Quel hon­neur ! C’est dans leur propre mai­son que Jésus va venir, qu’ils vont le rece­voir. Le Père Miche­naud fait suivre la messe ; la foule prie, et chante en gil­ber­tin des Noëls aux airs bien connus. Les notes se perdent un peu dans l’im­mense « manéa­pa », mais le cœur y est, quand éclate le chant final : « Les extré­mi­tés de la terre ont vu le Sau­veur envoyé par notre Dieu. »

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Avec la même fer­veur, on assiste à la Grand-Messe du Jour et à la Béné­dic­tion du Saint-Sacre­ment. Toute la semaine, la pré­sence aux offices est nom­breuse… Les réjouis­sances popu­laires pro­longent la fête dans une atmo­sphère de saine gaie­té : danses et chants mimés, tour­nois spor­tifs, séances de pro­jec­tions… Et puis, on en pro­fite pour rendre visite au Père, deman­der un conseil, sol­li­ci­ter un ser­vice : de jeunes fian­cés dési­rent fixer la date de leur mariage ; un vil­lage manque de ciment pour ter­mi­ner son église ; les anciens dis­cutent écoles, ins­ti­tu­teurs, ter­rains etc… le mis­sion­naire écoute, encou­rage, tranche. C’est tout cela Noël : une ren­contre fruc­tueuse avec l’En­fant de la crèche, une franche réponse aux exi­gences de la Foi.

D’a­près le Père BERMOND,

Mis­sion­naire du Sacré-Cœur.

Icone de la Nativité

  1. [1] Les Îles Gil­bert sont un archi­pel de l’O­céa­nie, sous l’é­qua­teur.
  2. [2] Un vent des régions chaudes du globe.

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