I
La première mission chrétienne
Les missionnaires, ouvrant l’Évangile, y lisent leur consigne ; ils y lisent aussi l’annonce de ce qui sera peut-être leur destinée.
Jésus-Christ ordonna lui-même la première « mission ». Il envoya les douze apôtres, — c’est l’Évangéliste saint Luc qui nous le dit, — « prêcher le royaume de Dieu et guérir les malades. » Il voulut qu’ils partissent avec leur besace, sans provision : au pays d’Israël on était accueillant, c’est un trait des mœurs orientales. Mais devant leurs yeux il entr’ouvrit, pour un avenir plus lointain, des horizons plus vastes ; il les prévint qu’ils seraient comme des brebis au milieu des loups. D’après une tradition que rapporte saint Clément, saint Pierre, anxieux, aurait alors interrompu son maître : « Et si les loups mangent les brebis ? » aurait-il-demandé. Le Christ de répondre : « Si la brebis est morte, elle n’a plus à craindre le loup. »
Des missionnaires du Christ pouvaient donc être appelés à mourir. Le Christ leur parla des tribunaux où ils seraient traînés, des supplices qu’ils auraient à subir ; il leur promit que le Saint-Esprit lui-même, lorsqu’ils seraient accusés, interrogés, leur inspirerait les réponses qu’ils devraient faire. Il leur montrait les récompenses assurées, dans le ciel, à ceux qui auraient fait s’agenouiller les hommes devant lui. Il ajoutait qu’au cours de leurs voyages les hôtes qui les recevraient seraient, eux aussi, récompensés, ne leur eussent-ils donné qu’un verre d’eau fraîche.
Les apôtres alors, pour quelques semaines, deux par deux, s’éparpillèrent à travers les bourgades du pays d’Israël. Et voici la scène du retour, le retour des premiers missionnaires. Ils racontent au Christ tout ce qu’ils ont fait et enseigné : « Seigneur, lui disent-ils tout joyeux, lorsque en votre nom nous commandons aux démons, ceux-ci nous sont soumis. » Leur joie, peut-être, pourrait dégénérer en orgueil, pour une telle victoire. Le Christ coupe court : « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais de ce que vos noms sont écrits dans le ciel. » Il les sent fatigués de leur marche. « Venez dans un lieu désert, continue-t-il, et reposez-vous un peu. » Seize cents ans plus tard, quand le Père Thomas de Jésus, dont la puissante voix poussera les Carmes dans l’immense champ des missions, leur conseillera de venir reprendre haleine dans ces asiles de recueillement que les Carmes appelleront des « déserts », il ne fera que répéter l’invitation de Jésus- Christ.
Ainsi se déroula, du vivant même du Sauveur, la plus ancienne des missions chrétiennes, la mission chez les Juifs. Le Christ en reparlera, à la Cène, quelques heures avant de souffrir. Il demandera à ses apôtres : « Quand je vous ai envoyés sans sac, sans bourse et sans chaussure, quelque chose vous a‑t-il manqué ? » Et ceux-ci répondront : « Rien ». Ce mot « rien », il sera répété, jusqu’à la fin des temps, par tous les missionnaires que peut-il manquer à ceux qui, sachant ce qu’est le don divin, le portent avec eux, à ceux qui, sachant les promesses divines, se rendent dignes, par leur vie héroïque, d’en cueillir les fruits ?
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