Qu’est-ce que la Liturgie ?

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : À la découverte de la liturgie avec Bernard et Colette .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Chapitre II

Non, petit Pierre ne per­dra rien pour attendre. Il s’en doute bien et il est aux aguets. Ce petit homme est par­ti­san du moindre effort. Il n’i­gnore pas que maman ne varie jamais dans ses déci­sions et qu’il fau­dra, bon gré mal gré, écou­ter un jour ou l’autre les expli­ca­tions pro­mises à sa sœur ; aus­si tend-il l’o­reille pour sur­prendre sa ren­trée. Quand il entend les petits sabots cla­quer, il trouve un pré­texte pour quit­ter le bureau où il vient de ter­mi­ner ses pro­blèmes et va offrir ses ser­vices à Marianick.

— Qu’est-ce qui te prend ? dit, soup­çon­neuse, la bonne vieille Bre­tonne. Pour­quoi viens-tu m’en­com­brer une demi-heure avant le dîner ? La cui­sine n’est pas si grande et tu vas te trou­ver en tra­vers de tout ce que j’ai à faire. C’est ta maman qui t’envoie ?

Pier­rot est pares­seux, mais il ne ment jamais.

— Non, c’est moi qui viens tout seul, pour t’aider.

— M’ai­der ! Bonne sainte Anne ! Tu veux dire me faire enra­ger ! C’est l’heure pour toi d’être au bureau ; vas‑y.

Maria­nick ne plai­sante pas quand elle parle sur ce ton, et Pier­rot réflé­chit avec peine que la cui­sine et le bureau sont les deux seules pièces chauf­fées pour le moment ; alors ?…

L’o­reille basse, il regarde le coin du feu, près duquel Colette a repris place, sur le petit tabou­ret qu’elle affec­tionne particulièrement.

Maman ne semble pas s’a­per­ce­voir de la mine décon­fite de son benjamin :
 — Nous allons faire un peu de , Colette, comme je te l’ai pro­mis hier. Mais les débuts, je t’en pré­viens, te sem­ble­ront beau­coup plus dif­fi­ciles que tu ne l’a­vais pensé.
Tu es cou­ra­geuse. Mets‑y toute ton atten­tion et, à mesure que nous avan­ce­rons, tu ver­ras à quel point tu seras inté­res­sée. Je vais com­men­cer par te poser une ques­tion à laquelle tu ne t’at­tends cer­tai­ne­ment pas. Te sou­viens-tu de notre audience au Vatican ?

— Certes, oui. Mais quel rap­port cette audience peut-elle avoir avec la liturgie ?

— N’as-tu pas vu com­ment nous nous sommes sou­mis, tous, à l’é­ti­quette, aux marques de res­pect, de véné­ra­tion, indis­pen­sables, quand nous avons été reçus par le Saint-Père ? Réflé­chis un peu. Pour­quoi tant de cérémonies ?

Colette hésite, puis répond :
 — Je crois, maman, que vous vou­lez me faire remar­quer qu’on ne peut par par­ler au Pape, aux rois, aux grands de ce monde sans se sou­mettre à cer­taines règles de poli­tesse particulières.

Pier­rot, qui s’est dis­si­mu­lé sous la table, doit écou­ter sans en avoir l’air, car il raille tout à coup :
 — Tiens, belle trou­vaille ! Penses-tu qu’on les approche le cha­peau sur la tête ?

Colette hausse les épaules. Mais maman continue :
 — Et puis, en par­cou­rant ton his­toire, n’as-tu pas remar­qué qu’on entoure sou­vent de signes sym­bo­liques ceux qu’on veut hono­rer ? Ain­si on offre au Pape les clefs de saint Pierre. Qu’est-ce que cela signifie ?

— Qu’il a le pou­voir d’ou­vrir et de fer­mer les portes du Ciel.

— Exac­te­ment. Com­ment tous les sym­boles, ces clefs sont une image. Nous ne voyons pas le pou­voir du Pape, mais nous voyons les clefs, qui y font penser.
Jésus nous indique le chemin du ciel par sa liturgieMain­te­nant, ajou­tons sim­ple­ment que, s’il est une éti­quette à obser­ver devant les grands de ce monde, com­ment ne pas gar­der devant Dieu une tenue plus res­pec­tueuse encore, en nous sou­met­tant aux règles que l’É­glise nous impose pour cela ; de plus, il est une manière sym­bo­lique d’ex­pri­mer ain­si à Dieu nos prières et notre ado­ra­tions, et cela, vois-tu, c’est de la litur­gie.

— Comme c’est clair !

— Oui, mais ce n’est pas com­plet. Avant de te don­ner une défi­ni­tion plus exacte, il faut encore que nous nous rap­pe­lions ceci : nous sommes com­po­sés d’une âme et d’un corps. Notre reli­gion doit être avant tout celle de notre âme, de notre cœur, de notre intelligence.

— Ça se devine, maman. À quoi ser­vi­rait-il d’al­ler à l’é­glise si l’on ne croyait pas que le Bon Dieu est là, si l’on ne priait pas, si l’on pen­sait tout le temps à autre chose.

— Évi­dem­ment. Mais nous avons un corps, créé aus­si par Dieu et ser­vi­teur de notre âme. Il doit donc par­ti­ci­per à l’hom­mage ren­du à Dieu…
Pier­rot fait entendre un grognement :

Par­ti­ci­per, ça veut dire quoi ?

— Tiens, tu écoutes ! dit maman mali­cieu­se­ment. Hé bien ! tu par­ti­cipes à la leçon, tu en prends ta part.

On entend sous la table un « Ah ! » qui en dit long, et maman, tout en regar­dant Colette d’un air amu­sé, reprend :
 — Est-ce que ton caté­chisme ne t’a pas appris que l’hom­mage et l’a­do­ra­tion que nous ren­dons à Dieu, avec notre corps et avec notre âme, forme ce qu’on appelle le divin ? Et ce culte peut être, tu le sais aus­si, peut-être inté­rieur ou exté­rieur, pri­vé ou public.

À ce moment, la tête de Pier­rot appa­raît entre les deux pieds de la table. Deux yeux nar­quois fixent Colette et une voix moqueuse déclare :
 — Alors toi, Colette, quand tu fais tes prières tout bas dans ta chambre, c’est ton culte pri­vé ? Heu­reu­se­ment, ça ne serait pas drôle, tu sais, s’il fal­lait que tout le monde en soit !

— Ne parle pas pour dire des idio­ties, mon pauvre Pier­rot, reprend Colette de son plus grand air, et tâche seule­ment de te tenir un peu mieux à l’é­glise, le dimanche, quand le culte est bien cette fois exté­rieur et public.

— Oui, ajoute maman, et je serais bien contente si tu par­ve­nais à obte­nir que ton corps et ton âme en aient leur part.

— Com­ment ? fait Pier­rot d’un ton innocent.

— Com­ment ? Tu le sais fort bien. J’ai enten­du M. le curé vous deman­der l’autre jour, au caté­chisme des gar­çons, si vous aviez la jambe cas­sée, tant vous sem­bliez infirmes pour faire votre génu­flexion. Et ce mou­lin à vent de cer­taines têtes à tout bruit de portes ouvertes ou de pas dans la nef, est-ce une tenue devant le Bon Dieu, notre Créa­teur et le Maître abso­lu de toutes choses ? Et ce nez en l’air pen­dant les prières de la messe, où vous sem­blez infi­ni­ment plus occu­pés à compte les pierres de la voûte qu’à prier, vos âmes sont-elles bien recueillies pen­dant ce temps ? Dites-vous vrai­ment au Bon Dieu que vous l’a­do­rez et que vous l’aimez ?

Pier­rot trouve que la conver­sa­tion prend une tour­nure inquié­tante et guette l’oc­ca­sion de se glis­ser inaper­çu vers la porte pour aller rejoindre Marianick.

Colette, tout à son affaire, continue :

Coloriage liturgique traditionelle pour les enfants du KT

— Alors, maman, c’est com­pris : le culte divin, pri­vé ou public, est une ado­ra­tion, une louange que nous ren­dons à Dieu avec notre être tout entier.

— Nous n’a­vons plus qu’à conclure. Ce culte et toutes les céré­mo­nies qu’il com­porte : atti­tudes, gestes, chants, prières, sym­boles, solen­ni­tés des grandes fêtes reli­gieuses, se déroule selon les formes pres­crites par l’au­to­ri­té de l’É­glise. As-tu saisi ?

— Je pense que oui. Cet ensemble de prières et de céré­mo­nies, c’est la litur­gie ?

— Nous y sommes. Et pour com­plé­ter ta science, j’a­joute que le terme « litur­gie » vient de deux mots grecs : lei­tos, public, ergon, œuvre, c’est-à-dire ce que l’on fait en public.

— Oh ! maman, vous savez ! Le grec et moi ça fait deux. Je tâche­rai tout de même de m’en sou­ve­nir. Mais, dites-moi, quelle est la par­tie la plus impor­tante de cet ensemble ? Est-ce que ce n’est pas la messe et le sacre­ment de l’Eucharistie ?

— Bien enten­du. Ils forment le centre de la litur­gie. Tout se déroule autour de ce centre.
Tu es sérieuse désor­mais, ma ché­rie, pour me com­prendre : quand on réflé­chit à ces choses magni­fiques, on s’a­per­çoit que la litur­gie remonte à cette pre­mière messe célé­brée par Jésus lui-même la veille de sa mort, et à ses paroles : Faites ceci en mémoire de moi.
C’est parce que Jésus leur en avait don­né direc­te­ment le pou­voir que les apôtres ont éta­bli les prin­cipes, les règles à suivre, dans la célé­bra­tion du Saint Sacri­fice, l’ad­mi­nis­tra­tion des sacre­ments et la prière.
Petit à petit, les papes et les évêques ont com­plé­té et codi­fié les règles.

Colette est son­geuse. Ses yeux suivent la flamme qui va et vient, lumi­neuse, légère, sur le front noir­ci de la vieille che­mi­née, mais sa pen­sée est ailleurs.

De nou­veau, d’un mou­ve­ment léger, elle vire sur son petit tabou­ret et, son regard dans celui de sa mère, elle dit :
 — Vous avez rai­son, maman ; ce n’est pas si facile que ça de décou­vrir la litur­gie, mais je suis abso­lu­ment déci­dée à aller jus­qu’au bout.


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